Gardez-moi de mes amis ; mes ennemis, je m’en charge ! Cette formule voltairienne est plus que jamais d’actualité. Depuis le 9 mars, le roi s’est trouvé d’innombrables partisans dont le comportement est aussi subtil que celui de supporters de foot.

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La surréaliste manifestation prévue pour le 10 avril en est l’exemple le plus probant. Que veut le « Mouvement des jeunes du 9 mars » qui en est à l’origine ? Si l’on en croit un de ses responsables : « Saluer les réformes énoncées par Sa Majesté le roi. Donc adhérer, accompagner et coacher la jeunesse. » Admettons. Mais dans ce cas, pourquoi organiser une manif ? Pour soutenir le roi ? A-t-il vraiment besoin de ces soutiens ?

Aux yeux de l’opinion, la manifestation du 10 avril ressemble furieusement à une contre-manifestation royaliste opposée à un mouvement du 20 février… qui ne remet nullement en cause la monarchie ! Sur la planète entière, on zappera sur CNN ou Al Jazeera, d’une manif hystérique de soutien à Kadhafi ou à Assad à un défilé de baltagyas en rouge et vert. Le ridicule ne tue peut-être pas mais il est singulièrement contre-productif.

On peut comprendre que des jeunes inexpérimentés et enthousiastes se fourvoient ainsi (on ne leur fait pas l’injure d’imaginer qu’ils sont manipulés). Mais que penser alors de leurs aînés ? Les recommandations des partis lors des consultations sur les réformes constitutionnelles nous laissent pantois. Au mieux, ils nous proposent un copier-coller du discours du 9 mars de Mohammed VI. Au pire, ils sont en deçà de l’intervention royale. C’est à désespérer.

Le souverain a tendu une perche aux Marocains pour qu’ils osent enfin se prononcer sur leur avenir. Mais ceux qui les incarnent se complaisent dans un conformisme que le roi appelle justement à briser. Où est le pluralisme quand tous les protagonistes sont d’accord entre eux pour ne rien changer à leur jeu de dupes ? A croire qu’ils ne méritent pas la démocratie ! Car en entonnant tous le même refrain, les partis politiques laissent la place aux extrêmes qui fredonnent des couplets discordants et refusent le dialogue.

Les partis sont en fait à la traîne de la société qu’ils sont censés représenter. Les propositions de réformes constitutionnelles collectées auprès des citoyens par le site reforme.ma sont beaucoup plus innovantes : abolir la peine de mort, introduire l’égalité homme-femme dans l’héritage ou affirmer que « la religion doit rester dans la sphère ‘‘privée’’ ». Certains commentaires sont bien sûr traditionalistes, mais d’autres sont plus iconoclastes : jusqu’à proposer que le marocain devienne langue officielle au même titre que le tamazight. Ce site prouve en tout cas que si le peuple avait plus de prérogatives, l’imagination pourrait vraiment être au pouvoir.

Hélas, le débat qui traverse la société semble avoir déserté les hautes sphères de la politique. Le pire serait que ce printemps marocain accouche d’une réformette qui ne satisfasse que ceux qui veulent que rien ne change, et désespère les forces les plus novatrices du Royaume. Nous avons une chance historique. Ne la gâchons pas en laissant la parole à des perroquets alors que le roi demande que l’on se comporte en adulte.

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