La situation sécuritaire demeure globalement normale et satisfaisante, voire même réconfortante, sur l’ensemble du territoire national. » Répétons tous en chœur : « La situation sécuritaire demeure globalement normale et satisfaisante, voire même réconfortante… » Rien de mieux que la méthode Coué – ce père de la pensée positive – pour se convaincre que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes de la sécurité marocaine.
Affirmer le contraire devant la représentation nationale trois mois seulement après avoir pris ses fonctions aurait été, en effet, un singulier aveu d’échec pour Mohand Laenser, ministre de l’Intérieur. Normale, satisfaisante et réconfortante, donc.
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Osons une petite question. Ou plutôt plusieurs. Pertinentes. A moins qu’elles ne soient… impertinentes. A vous de juger. Les informations recueillies sur le terrain par les forces de sécurité remontent-elles jusqu’à notre ministre ? Ces informations font-elles l’objet d’un traitement au bénéfice de statistiques claires et transparentes ? Sont-elles mises à la disposition de l’opinion publique de telle sorte qu’elle puisse s’en faire une, d’opinion ? Car, il se trouvera toujours un ministre, dans un merveilleux exercice de langue de bois – à moins qu’elle ne soit de plomb – pour énoncer que « la situation sécuritaire demeure globalement normale et satisfaisante, voire même réconfortante… » sans crainte d’être démenti, si les éléments d’information qui concourent à cette affirmation ne sont pas transparents. Or, de transparence, aujourd’hui, il n’y a guère.
Lorsque l’omerta ministérielle s’érige en concept de communication, on nous permettra de douter du bien-fondé de quelques (trop) rassurantes déclarations. Lorsque la consigne du silence à l’égard des médias s’abat à tous les niveaux de responsabilité, on consentira à nous accorder le bénéfice du doute ! Il n’est pas sûr, exemple parmi d’autres, que les (vrais) amateurs de foot – et avec eux les dizaines de milliers de victimes de ce hooliganisme qui sévit dans et aux abords des stades, week-end après week-end – partagent avec Mohand Laenser l’idée que : « La situation sécuritaire demeure globalement normale et satisfaisante, voire même réconfortante… »
Spectateurs agressés, mobiliers détruits, bus saccagés, chauffeurs agressés, vitrines endommagées, quartiers soumis aux bandes impunies, populations effrayées… La liste est longue, depuis trop d’années, des violences exercées par de pseudo-supporters, qui vient singulièrement contredire l’optimisme ministériel. A combien de morts à la sortie des stades Mohand Laenser reconnaîtra-t-il que « la situation sécuritaire » n’est peut-être pas aussi « normale, satisfaisante… » qu’il ne veut bien le dire ?... Le dernier décès enregistré, samedi dernier aux abords du stade Mohammed V de Casablanca, résonne comme un cinglant démenti aux propos rassurants tenus cette semaine devant les députés. Car, cette mort-là n’est pas isolée. Elle vient s’ajouter à bien d’autres meurtres commis par de dangereux individus agissant en toute impunité. Laenser n’est naturellement pas comptable des insuffisances de ses prédécesseurs. Mais il est des mots maladroits, en décalage total avec la réalité vécue par la population, qu’il serait préférable d’éviter.
L’appareil répressif mis en place et renforcé au fil des événements dramatiques qui marquent l’histoire de nos stades montre, semaine après semaine, ses limites. Inappliquées, les dispositions ou recommandations prévues (billets numérotés, caméras de surveillance, stades interdits aux mineurs de moins de 16 ans non accompagnés, portiques de contrôle, interdiction des fumigènes, etc.) laissent place à d’insupportables violences dont personne ne sort indemne. Ni les milieux du football – clubs et fédération – ni les responsables de la sécurité. Et encore moins l’Intérieur, dont la population est en droit d’attendre qu’il contrôle enfin une situation intolérable au regard de l’ordre public. Pour combien de temps encore ?
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