Allez, une question. Une seule. Vous avez… 30 secondes pour y répondre. Pouvez-vous citer une ou plusieurs mesures phares prises par le gouvernement Benkirane au cours de ces trois derniers mois ?... 26, 27, 28… Ah ! Vous pensez à la publication des agréments de transport… 29… 30 ! Pas mieux !...
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On exagère? Posez la question à votre entourage… et voyez le résultat. Certes, juger de la pertinence de la politique engagée par un nouveau gouvernement au terme des cent premiers jours n’est sans doute guère significatif. Et Benkirane s’est déjà offusqué publiquement que l’on puisse lui demander des comptes trois mois seulement après la prise de fonction de son équipe gouvernementale. Seulement voilà , les citoyens que nous sommes attendent des actes.
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En ce printemps 2012, l’équipe gouvernementale devrait déjà commencer à réfléchir à la préparation du projet de loi de Finances 2013, et laisser transparaître ses réelles intentions réformatrices. Or, nous en sommes encore à discuter de la loi de Finances… 2012 ! Un projet de budget révélateur du grand écart pressenti entre les promesses électorales inscrites dans le programme du PJD et la realpolitik qu’impose un environnement économique autrement plus dégradé que celui que nos responsables politiques voulaient bien laisser paraître.
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On reconnaîtra volontiers à Abdelilah Benkirane une implication de tous les instants. La constitution d’une improbable coalition hétéroclite lui impose d’être partout à la fois. Les engagements de cohérence et de solidarité obtenus de ses alliés, au lendemain de sa nomination, auront rapidement volé en éclats. Et la photo de famille du quatuor gouvernemental s’est singulièrement et rapidement dégradée.
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Il n’est pas une semaine où il ne doive jouer les médiateurs entre ses ministres. Quand l’urgence de la situation économique et sociale du pays imposerait de la cohésion, du courage politique, des initiatives fortes à l’intention du monde des affaires, de la jeunesse, des partenaires sociaux, des catégories sociales parmi les plus démunies… le chef du gouvernement s’efforce de colmater les brèches et de gérer les rivalités qui minent son équipe.
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Il n’a pas fallu trois mois pour que le monde patronal prenne soudainement conscience de la vacuité des velléités réformatrices de Benkirane. Il n’en a pas fallu davantage pour que les partenaires sociaux déplorent l’absence d’un réel dialogue de nature à forger de nouvelles relations de confiance. Et en guise de dialogue, pour les plus téméraires parmi les manifestants décidés à porter sur la voie publique des revendications restées lettre morte depuis des mois, c’est plus à la matraque qu’au tour de table qu’ils ont été conviés.
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A défaut de décisions fortes, engageant le pays sur la voie des réformes attendues par une grande majorité de la population, la scène politique s’est trouvée soumise aux provocations en tous genres de la part de responsables qui, oubliant les devoirs qui incombent à leur charge, distillent une idéologie dont les électeurs ont pourtant démontré en novembre dernier qu’ils entendaient qu’elle demeure ultra-minoritaire.
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Lorsque tous les indicateurs macroéconomiques révèlent la fragilité de l’économie marocaine, lorsque la croissance est en berne et les déficits sociaux croissants, on attend d’un gouvernement... qu’il gouverne. Et qu’il rassemble. Non qu’il se livre à des guerres de territoire, à des petites phrases aventureuses, à des initiatives contraires à l’esprit de la nouvelle Constitution. Benkirane n’est pas seulement dans le rôle de chef des pompiers que son équipe l’oblige à tenir, mais bien le chef du gouvernement. Et donc maître d’œuvre d’une politique gouvernementale qu’il lui revient de concrétiser.
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