Comment un jeune délinquant peut-il en arriver à commettre de sang froid sept assassinats à Toulouse et Montauban en l’espace de quelques jours ? Le loubard revendiquait son appartenance à Al-Qaïda... Avec l’histoire tragique de ce Français d’origine algérienne, on apprend avec consternation que le jihad exerce toujours une fascination sur de jeunes musulmans, eussent-ils biberonné la Marseillaise. Être issu de banlieues sensibles, comme Mohamed Merah qui se proclamait « moudjahid », n’est que l’exception qui confirme la règle.
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Le terrorisme islamiste n’est pas forcément la conséquence inéluctable de conditions sociales extrêmes. La présence d’un milliardaire saoudien à la tête d’Al-Qaïda est là pour en attester. Les trois attentats qui ont frappé la France en plein « déclin du jihadisme », comme aiment à le rappeler les experts, remettent sur la table la question du fondamentalisme salafiste.
Ramenée au Maroc ou à l’Algérie, l’histoire de Merah n’a rien d’extraordinaire.
L’aventure de jeunes qui se rendent en Afghanistan ou au Pakistan est tellement classique. Que reproche-t-on en fait à des leaders salafistes comme Abou Hafs ou encore Hadouchi, si ce n’est d’avoir fait leur entraînement militaire dans les camps de Kandahar ? Pour tout salafiste qui se respecte, Kaboul reste un passage obligé, les pétrodollars du wahhabisme servent toujours à assurer le séjour dans les meilleures conditions. En plus du maniement des armes, les wahhabites manient à la perfection une artillerie autrement plus lourde : un lavage de cerveau en bonne et due forme qui débouche implacablement sur « le takfir » de l’autre, fut-il musulman.
L’objectif ultime des jihadistes étant de rendre à l’islam sa pureté d’origine, de mettre en œuvre une conception radicale de la religion. Sommes-nous si loin de tout cela ? La pression efficace des services de sécurité a fait reculer bien des projets terroristes, mais selon ces mêmes services, « des milliers de salafistes radicaux courent toujours dans la nature et tant qu’ils se contentent d’imposer leurs règles à des Marocains consentants et dans des sphères restreintes, il n’y a aucun moyen légal de les arrêter ».
Ils ne séduisent d’ailleurs pas uniquement les classes populaires. L’histoire célèbre de Karim Mejjati, ce lauréat du lycée Lyautey qui a mis Ryad à feu et à sang avant d’être criblé de balles avec son fils dans la capitale saoudienne, est là pour rappeler que le jihadisme peut également séduire les enfants de la bourgeoisie du cru. Si les imams les plus radicaux ne peuvent plus recruter au grand jour dans les mosquées, il n’empêche que le prêche salafiste, à travers une littérature abondante, et surtout des chaînes satellitaires qui cartonnent, a encore de beaux jours devant lui. Ainsi, après la mort de Ben Laden, enivré par l’enthousiasme du Printemps arabe, les experts se sont vite empressés d’enterrer le jihadisme.
Pourtant, le fondamentalisme islamique nourrit toujours la rue marocaine, comme il a vite fait de confisquer le Printemps arabe dans les pays voisins. Et il encourage, in fine, les militants de la théocratie. L’illusion de voir, après la révolution du jasmin, la démocratie essaimée, a fait long feu. Le fondamentalisme fait désormais feu de tout bois. Une fois, c’est au nom de la « propreté » des mœurs que l’on décide de la chasse aux filles de mauvaise vie ; une autre fois, c’est au nom de la lutte contre les juifs que ressurgit la haine médiévale vouée à l’Occident et à sa « démocratie dégénérée ».
Ces agressions récurrentes contre la liberté montrent que le salafisme combattant n’a qu’à appuyer sur le bouton pour que le mythe de Saladin remonte à la surface. Ce faisant, ceux-là mêmes parmi les extrémistes qui prétendent servir une juste cause nuisent durablement, partout dans le monde, à l’ensemble de la communauté musulmane.
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