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LibertĂ©, mode d'emploi 
actuel n°129, vendredi 17 février 2012
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L’invective est un sport national, et si l’injure était une discipline olympique, les Marocains reviendraient chargés de breloques tous les quatre ans. Pourtant, personne n’aime se faire insulter. L’injure est une atteinte à la dignité et mérite d’être réprimée.


On ne peut utiliser impunĂ©ment l’arme nuclĂ©aire de la rhĂ©torique, et de nombreux pays pĂ©nalisent cette agression verbale gratuite et blessante. 

L’apprentissage de la démocratie et, surtout, la libération de la parole que le pays connaît depuis maintenant un an ont eu comme effet pervers d’encourager une certaine anarchie. On se laisse aller sans retenue, les ambulants s’étalent sur la voix publique, les automobilistes à peine troublés par un nouveau code roulent encore plus vite qu’avant et, sur le web, on se lâche sans limites en menaçant son prochain des pires ignominies.

On se targue d’insolence, mais on sombre dans la vulgarité et, comme on ne comprend rien, on mélange tout. Des baltajis dont le quotient intellectuel est proche de celui de l’amibe scissipare – mais n’insultons pas les amibes – à ce rappeur antisémite de Casablanca qui se glorifie de vouloir égorger des juifs, on assiste depuis un an à un déferlement d’attaques verbales affligeantes.

Or la liberté, ce n’est pas étaler son mépris de l’autre en l’écrasant de sa morgue ou de sa bêtise, ce qui revient souvent au même. La liberté, c’est exprimer sa pensée en respectant celle des autres. Et en respectant les autres tout court.

Cette liberté, on en use aujourd’hui pour s’attaquer au roi. Certains argumentent en défendant un régime parlementaire, et ils en ont tout à fait le droit. D’autres franchissent allégrement les limites et insultent la personne et ce qu’elle représente. Or s’il est grave d’insulter un homme, il est encore plus grave d’outrager un symbole. Le roi n’est pas seulement un chef d’Etat et le commandeur des croyants, c’est aussi le garant de notre unicité. Injurier ce qu’il incarne, c’est miner les fondements même de ce pays.

Pour autant, la Constitution a changé et l’époque ne devrait plus être à la répression sans discernement. Condamner à trois ans de prison un jeune de Taza qui profère des injures au roi, c’est dépasser d’autres limites. Le jeune Haydour a reconnu lui-même les faits, en expliquant qu’il avait dérapé sous le coup de l’émotion. Mais faute avouée n’est plus à moitié pardonnée et le verdict est d’une sévérité inouïe.

On peut toujours arguer que si la Constitution a supprimé la sacralité du roi, le code pénal en revanche n’a pas encore été modifié. On peut se réfugier derrière la promulgation lointaine de lois organiques pour continuer à raisonner comme si le Maroc n’avait pas décidé, à 98%, qu’il fallait changer d’époque.

Il y a la loi et l’esprit des lois. L’esprit de la nouvelle Constitution, c’est d’aligner la répression de l’insulte au chef de l’Etat sur ce qui existe dans la plupart des monarchies démocratiques. L’insulte n’y est pas tolérée mais les peines privatives de liberté sont exclues ou jamais appliquées. Si nous sommes censés devenir un peuple adulte, c’est à cette aune que nous devons nous mesurer.

Les excès de zèle de certains représentants de l’Etat ne sont pas seulement la perpétuation de vieux réflexes, des ballons d’essai répressifs ou des châtiments pour l’exemple. Ils sont d’abord, pour notre intelligence, une insulte...

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