Davos, charmante station suisse, accueille chaque année le World Economic Forum. Un rendez-vous où se côtoient dirigeants de la planète et représentants de l’élite économique et financière. Son objectif ? « Améliorer l’état du monde »…
Vaste ambition pour un forum qui a singulièrement perdu de sa superbe depuis sa création au début des années 70. Quatre décennies plus tard, l’état du monde ne s’est guère amélioré. Mais nos têtes pensantes perpétuent encore ce rendez-vous pour… constater leur impuissance à enrayer l’une des plus graves crises économiques que le monde ait eu à connaître.
Une crise qu’un certain nombre d’entre eux ont amplement contribué à générer et à nourrir, sans souci aucun pour les conséquences sur les économies et les populations, acculées à des sacrifices sans précédent pour tenter d’échapper à la faillite.
Taza, ville moyenne de 160 000 habitants aux confins du Rif et de l’Atlas, fait également la Une de l’actualité. Ici, ni élite économique ni grands de ce monde. Simplement, une infinitésimale partie de cet « état du monde » que Davos entend « améliorer »… et dont une partie de la population exprime aujourd’hui sa désespérance.
Avec, parfois, toute la violence dont est capable une jeunesse trop longtemps tenue dans l’ignorance, voire dans le mépris de la part d’une puissance publique qui s’accommode sans autres états d’âme de situations pourtant inadmissibles.
Fallait-il aller, comme Abdelilah Benkirane a choisi de le faire, à Davos ? Porter la parole du Maroc au cœur même du « système » était sans doute nécessaire. Et les contacts noués à cette occasion seront peut-être précieux dès lors qu’il s’agira pour les investisseurs étrangers d’apprécier l’environnement dans lequel ils seront, ici et là au nord de l’Afrique, appelés demain à évoluer.
Il n’empêche, le seul choix de Davos pose question. Et l’on se demande bien pourquoi il est revenu à Charki Draiss, le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, d’assumer la représentation du gouvernement à Taza.
Pour y affirmer l’autorité de l’Etat ? Pour signifier qu’aucun débordement ne sera accepté ? Pour montrer sa détermination à maintenir l’ordre coûte que coûte ?... Le choix de Draiss n’est naturellement pas innocent.
Et l’on s’étonne de voir Benkirane enfiler prestement, et pour l’heure exclusivement, les bottes du tout-sécuritaire. Le gouvernement tenait là une occasion unique de démontrer un réel sens du dialogue, avec une population chauffée à blanc par des comportements sur lesquels il serait bon que toute la lumière soit faite. Occasion perdue.
Le gouvernement est fondé à dénoncer toute atteinte à la sécurité des biens et des personnes et à sanctionner les fauteurs de trouble dont la violence ne saurait être justifiée. Mais Benkirane, que l’on a connu naguère plus démonstratif en matière de soutien aux populations maintenues dans la précarité, a tout autant le devoir de répondre aux attentes des habitants de Taza.
Plus d’un mois après les premières manifestations, les « causes sociales à l’origine des incidents » pour lesquelles le gouvernement prétend « œuvrer », sont toujours aussi criantes. Et l’on attend, pour l’heure en vain, que soit engagée une véritable mobilisation des pouvoirs publics pour y remédier. S’il veut, comme il le prétend, renouer le dialogue avec Taza, Benkirane devra cesser de nier une réalité que lui rapportent pourtant les élus PJD locaux, et missionner un tout autre ambassadeur que son ministre délégué à l’Intérieur.
Le ministre de l’Equipement, la ministre de la Solidarité, le ministre de l’Emploi, seuls ou collectivement, auraient déjà dû prendre la route de Taza.
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