Certaines informations ne retiennent l’attention des médias, et par ricochet du grand public, que par leur côté sensationnel. Ainsi, au cours de la seule semaine écoulée, un mari a découpé son épouse, enceinte de trois mois, en petits morceaux, après l’avoir ligotée sur le lit conjugal, à Midar.
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Un jeune a assassiné son père à Youssoufia et un adolescent a tué sa sœur à Mohammédia, pour une histoire de zapping.
A Tanger, c’est une simple prise de bec entre un supporter du Barça et un autre du Real qui s’est soldée par le décès de l’un des protagonistes, « planté » avec un couteau dans la poitrine.
Le point commun de tous ces criminels ? La consommation de drogue !
Sur le plan juridique, toute la difficulté est d’établir le lien de cause à effet entre l’absorption de psychotropes et le crime, mais dans la plupart de ces drames, les coupables, une fois l’effet de la drogue estompé, ne supportent pas la portée de leurs actes et certains demandent carrément à être exécutés…
Des psychotropes dont la consommation est étroitement liée à la misère sociale ou affective, et qui transforment l’individu en animal. Les benzodiazépines, ces substances vendues dans les quartiers populaires ou devant les lycées chic, ont un effet désinhibant, sédatif, hypnotique ou anxiolytique.
Les consommateurs sont alors plongés dans un état d’euphorie qui entraîne des hallucinations, des délires paranoïaques ou des troubles psychotiques. Certains deviennent amnésiques sur-le-champ, s’automutilent, ruminent des idées suicidaires ou tout simplement meurtrières. Pour les chiffres officiels, il faut une fois encore repasser.
Les seules données chiffrées qui paraissent crédibles sont celles de la société civile. A l’image de l’association Nassim qui, outre l’aide aux toxicomanes, gère une base de données sur les études épidémiologiques liées à la toxicomanie au Maroc.
Selon les dernières données disponibles, 2,8% de la population âgée de plus de quinze ans est dépendante de substances psycho-actives, alors que le taux atteint 15,4% entre 20 et 29 ans et 11,5% entre 30 et 44 ans !
Face à la puissance de feu de ces petits comprimés aux couleurs chatoyantes, le petit joint des soixante-huitards ressemblerait à du sucre d’orge.
D’où vient la drogue ? Il est établi que le Maroc a laissé proliférer sur son territoire des mafias organisées qui se sont tournées aujourd’hui vers des drogues plus lucratives. La cocaïne ne traverse plus seulement le Royaume pour inonder le marché européen, elle est aussi consommée sur place. En témoignent les saisies de plus en plus importantes dans toutes les villes du pays.
Quant aux psychotropes, une partie non négligeable du trafic provient des chaînes de fabrication de l’Algérien Saïdal. Selon un rapport rendu public en Algérie, le Diazépam, commercialisé par Saïdal sous le nom de Valzépam, très prisé des jeunes, occupe la troisième place après le cannabis et la cocaïne dans le top ten des drogues consommées au Maroc.
Le trafic de drogue est un commerce de plus en plus lucratif, avec une demande toujours en hausse, et cible aujourd’hui toutes les couches de la société. Sa consommation est à l’évidence le reflet du malaise profond d’une société.
Alors que le recours aux drogues se généralise, il constitue un véritable défi pour la police et plus encore pour les pouvoirs publics. Si rien n’est entrepris, la drogue deviendra sans tarder un véritable problème de santé publique.
Or la toxicomanie peut être évitée et maîtrisée. Il suffit d’intensifier les efforts qui visent à réduire la demande. C’est là le plus grand défi, car si la demande baissait, les trafiquants n’auraient pas à risquer aussi gros pour de moindres bénéfices.
Benkirane s’attaquera-t-il sans tarder au fléau qui touche des milliers de jeunes en perdition ? Il lui suffirait pour cela de créer une Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, à laquelle il reviendrait de mettre en œuvre un Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies. Il ne s’agit pas d’un « si… » mais bien d’une réelle volonté politique.
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