Huit jours après le sommet de Rabat – et son échec à se faire entendre de Damas –, le conseil des ministres arabes s’est réuni au Caire ce jeudi 24 novembre pour « inviter » la Syrie à accepter l’envoi de quelque 500 observateurs à travers le pays, « sous peine de sanctions ».
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On ne sait si les bureaux de la Ligue arabe, où se réunissaient nos excellences, bruissaient des éclats des balles tirées par les policiers égyptiens sur les manifestants réunis, à quelques encablures, sur la place Tahrir.
Quelques « observateurs » supplémentaires délégués par la Ligue arabe ne seraient sans doute pas superflus pour « inviter » les généraux égyptiens à un peu de retenue. De même, la Ligue arabe pourrait-elle envisager d’envoyer quelques « observateurs » à Sanaa, au Yémen, qui voit encore tomber des manifestants sous les balles des partisans du président Saleh, à peine l’encre sèche de sa reddition à Riyad.
Une Ligue qui aurait pu tout aussi bien s’inquiéter de la répression à Manama. Le récent bilan établi par une commission indépendante exprime, en termes fort diplomatiques, la violence, et parfois la torture, subies par les manifestants de la part des forces de Bahreïn, avec l’appoint de l’Arabie saoudite.
On pourrait ainsi recenser – au moment même où la Ligue arabe, en se saisissant de façon spectaculaire du cas de la Syrie, donne l’impression de vouloir reprendre la main sur le terrain diplomatique – les occasions manquées par ses dirigeants.
La gestion du dossier syrien peut-elle redorer le blason d’une Ligue longtemps demeurée sourde aux aspirations des peuples qu’elle représente ? La question est aujourd’hui posée.
Son rôle de médiateur est le bienvenu. Mais quel est son réel pouvoir ? La réitération de sanctions, régulièrement annoncées avec force ultimatum, relève davantage de l’incantation. Et ne semble guère émouvoir Damas. Il est vrai que le consensus au sein de la Ligue arabe est fragile.
L’Organisation panarabe a de tout temps été fragilisée par ses divisions. Et ses positions ont souvent été le reflet des rapports de force entre puissances régionales. Ainsi s’affrontaient clairement, ces dernières années, un axe pro-iranien avec la… Syrie et son allié le Liban pour chefs de file, et un axe pro-américain, sous la houlette du trio Arabie Saoudite-Jordanie-Egypte.
Seulement voilà , le Printemps arabe s’est invité à la table de la Ligue. Les renversements successifs de Ben Ali, Moubarak et Kadhafi, la répression du régime de Damas à l’égard de la population civile, les manifestations sanglantes à Sanaa, Manama, et ces derniers jours à l’est chiite du royaume saoudien, rebattent les cartes. Et font s’interroger sur le rôle à venir d’une Ligue arabe elle-même en pleine révolution.
La montée en puissance des pays du Golfe au sein de l’organisation, singulièrement du Qatar aujourd’hui omniprésent, ne doit sans doute rien au hasard. Ce nouveau leadership ostensiblement affiché s’esquisse avec, en toile de fond, le bras de fer engagé avec l’Iran.
De ce point de vue, un renversement du régime de Damas qui verrait le retour en grâce de la communauté sunnite, priverait Téhéran d’un allié précieux. L’isolement de l’Iran, au moment où les Etats-Unis voient sur zone leur influence fragilisée par les effets du Printemps arabe, ne serait sans doute pas fait pour déplaire aux monarchies du Golfe.
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