Les sondages sont interdits, mais la rumeur enfle. Le PJD arriverait en pole position dans les villes et pourrait aussi rafler des sièges dans les zones rurales où quelques indétrônables commencent à trembler.
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La stratégie du parti de la lampe, qui envoie ses stars comme Daoudi à Beni Mellal pour arracher un siège supplémentaire ou intronise la famille Abdelmoula, fils puis père, à Sidi Kacem, prouve que le parti de la lampe ne néglige aucune zone. Et en s’attachant le soutien de l’intransigeant magistrat Jaâfar Hassoune, le parti s’assure une réputation de probité quand les autres partis traînent encore des casseroles.
L’offensive marketing des islamistes est impressionnante. Aucune cible n’est négligée, même les classes supérieures européanisées, a priori les plus réfractaires à un programme barbu et voilé. Benkirane fait son show chez les patrons ou dans les grandes écoles et parvient à séduire les féministes du Women’s Tribune.
Le parti a même fait des insertions publicitaires dans Les Echos. Une première dans la presse francophone. Derrière cette com’, il y a Aicha Elabbasy, une femme non voilée, ex Shem’s et qui a quitté Noureddine Ayouch pour Abdelilah Benkirane. Avec elle, le PJD s’est doté d’une nouvelle charte graphique et réalise des capsules TV qui ringardisent bon nombre de partis.
Le résultat de cette stratégie, c’est qu’aujourd’hui, dans les dîners casablancais, on ose dire que l’on va glisser un bulletin avec une lampe dans l’urne. Les bourgeois votent pour ceux qu’ils perçoivent comme les plus aptes à protéger leurs actifs : le programme du PJD n’est pas plus à gauche que celui de l’Istiqlal qui veut taxer les riches, leurs leaders ne réclament pas l’interdiction de l’alcool ou le voile pour toutes. Surtout, on préfère les voir au gouvernement plutôt que dans la rue.
Disons-le tout net, à actuel, le PJD n’est pas notre tasse de thé. Leur conservatisme moral et leur dogmatisme, dès qu’on touche à des questions sensibles comme la liberté de croyance, ou de conscience, sont aux antipodes de nos valeurs. Mais pour autant, leur succès possible (probable ?) est-il la catastrophe si longtemps redoutée ?
Restons lucides. Les islamistes d’ici n’ont pas le référentiel laïque des Turcs. Et s’ils obtenaient la majorité des sièges, il n’est pas certain que leur gestion soit aussi soft que leurs discours. En attendant, leur programme est riche d’enseignements. Les références religieuses sont à peine plus présentes que dans celui du G8.
Il y a bien sûr quelques signaux inquiétants comme l’implication du ministère des Habous dans les projets portés par d’autres ministères « concernés par les notions d’identité et de valeur » (Proposition 131). Mais on y trouve aussi, plus étonnamment, « un renforcement de l’apprentissage du français et de l’anglais » (prop. 135) ou « une aide aux femmes mères ayant leur famille à charge » (prop. 101). Au final, ce catalogue plus pragmatique qu’idéologique a une très faible coloration islamique. Peut-on pour autant leur faire confiance ? Peut-être.
Et tant qu’on ne les aura pas essayés, nous ne saurons jamais ce qu’ils veulent et ce qu’ils valent. Après tout, on a essayé tous les autres ! Le PJD, c’est le renouvellement des élites. Et ils ne pourront de toute façon pas gouverner seuls. Ce qui nous rassure...
S’ils passent, nous saurons aussi nous souvenir de la proposition 143 (« Adoption d’une loi garantissant l’accès à l’information, sous peine de sanction en cas de refus d’accorder l’information, notamment de la part de l’Administration publique ») et de la 144 (« Renforcement des principes de liberté, de responsabilité dans l’exercice de la profession de journaliste [...]. Suppression des peines privatives de liberté liées à la libre expression et à la libre opinion »). A bon entendeur...
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