Le pouvoir est une drogue. Ceux qui s’y accrochent en dépit du bon sens et de la vox populi sont des junkies qui finissent mal. On a vu la pitoyable mise à mort de Kadhafi. On assiste cette semaine à la chute prévisible de son compère en bunga bunga. En démocratie, les exécutions sont plus civilisées mais la chute du Cavaliere reste quand même exemplaire à plus d’un titre.
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Voilà un homme d’affaires rapidement devenu affairiste, réfugié en politique en raison d’une soif inextinguible de pouvoir, roi de la combinazione mais piètre président du Conseil pour sortir l’Italie du chaos dans lequel il n’a cessé de l’entraîner.
Lorsqu’un dirigeant italien se voit discréditer aux yeux de la Cofindustria, le patronat local et, pire encore au berceau du catholicisme, quasi excommunié par le Vatican en raison de ses frasques et de l’inéquité de sa politique, il est sans doute préférable de se retirer sur son Aventin. Mais il aura fallu que l’Italie soit au bord de la faillite, et que l’Union européenne lâche son bouffon romain pour que sa majorité fasse, enfin, œuvre salutaire.
La morale de l’histoire, c’est qu’elle s’accélère. Les faits sont têtus et les dirigeants, tyrans ou non, qui se cramponnent à leur Olympe seraient bien inspirés d’évaluer la vitesse à laquelle on atteint le sol.
L’autisme n’est pas la meilleure garantie pour durer. Pour autant, notre voisin algérien semble, lui, avoir érigé l’autisme en philosophie politique. Alors que le roi répondait au mouvement du 20-Février par le discours du 9 mars, Abdelaziz Bouteflika mobilisait plus d’uniformes que de manifestants pour matraquer les mécontents.
Cette remarquable propension à l’écoute est aujourd’hui à nouveau à l’œuvre dans un tout autre domaine. Alors que Mohammed VI tend, spectaculairement, la main à nos voisins dans son discours du 6 novembre dernier, il reçoit pour toute réponse une volée de bois vert par la presse officielle algérienne. Et un silence éloquent de la part de Bouteflika.
Une véritable démonstration de communication quasi brejnévienne ! Alors même que les peuples arabes réclament la paix, la liberté et la prospérité, nous pourrions avoir les trois si nos deux petits pays à l’échelle du monde, renforcés par la nouvelle Tunisie démocratique, formaient un seul ensemble, intégré économiquement et culturellement.
Nous pourrions alors bâtir, à l’instar de l’Allemagne ou de la Turquie, un ensemble régional de plus de 80 millions d’habitants. Cette nouvelle puissance continentale pourrait créer les conditions d’un renouveau économique et former des groupes d’envergure capables de se battre à l’échelle planétaire. Et porter haut, sur le plan international, la parole d’un nouveau Maghreb.
Utopie ? L’effet papillon peut transformer un battement d’ailes en grande claque. Il y a moins d’un an, Berlusconi s’amusait avec Ruby, Kadhafi terrorisait ses amazones, Moubarak et Ben Ali se miraient chaque jour sur des posters géants, et un certain Mohamed Bouazizi était encore vendeur ambulant...
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