L’Istiqlal a dégainé le premier en promettant 175 000 emplois par an. Le G8 en a remis une couche, à 200 000. Qui dit mieux ? Sûrement pas la Koutla, ce drôle de ménage à trois qui n’existe qu’un mois tous les cinq ans et qui s’est contenté du service minimum.
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Avec des déclarations d’intention sur – prenez votre respiration – « la dimension historique de la personnalité marocaine avec ses multiples composantes amazighe, arabe, africaine et méditerranéenne qui se fondent dans l’islam en tant que religion et précepte prônant la tolérance, le dialogue et la solidarité ». Ouf !
Quand on n’a rien à dire en politique, on paraphrase la Constitution. Mais si la Koutla bredouille, ses membres ne manquent pas d’arguments. Tiens, le PPS a aussi une idée sur le nombre d’emplois à créer : 250 000 par an !
Le parti communiste monarchique est d’ailleurs champion du Maroc des promesses chiffrées puisqu’il annonce 150 000  nouveaux logements par an, un SMIG à 3 000 dirhams (comme le PJD), 750 maisons de jeunes et 50 places de mieux pour le Maroc dans l’indice de perception de la corruption.
Les promesses n’engagent que ceux qui les entendent, et demain on rase gratis même chez les barbus qui annoncent 7% de croissance annuelle. Cette bataille de chiffres est symptomatique d’une classe politique qui aligne des nombres à défaut de produire des idées. Car lorsqu’on creuse dans les programmes, on reste consterné par l’accumulation de déclarations d’intention pour le moins inconsistantes.
Le G8, par exemple, s’est focalisé sur une plateforme économique pour ne pas aborder les questions qui fâchent entres ses membres disparates. Pour le reste, on se contente de rappeler des lieux communs consensuels comme la volonté pour le RNI de « renforcer l’égalité entre les deux sexes en encourageant le rôle de la femme dans la société ».
La seule innovation chez les sociaux-libéraux-écolo-islamistes-de-droite-et-de-gauche de l’Alliance pour la démocratie, c’est la promesse de consacrer un milliard de dirhams à la culture. Encore un chiffre ! Mais au moins, la nouvelle coalition est la première à se préoccuper d’un secteur primordial qui n’intéresse manifestement aucun autre parti.
Et sinon ? Quel parti osera émettre une idée clivante, originale et surtout progressiste ? Qui est pour la suppression de la peine de mort ? La libéralisation de l’avortement ? La dépénalisation du cannabis ou des relations sexuelles hors mariage ? La liberté de croyance ?
Chaque semaine, nous posons ces questions dans nos pages « spécial législatives » aux ténors des principaux partis. Certains ont le courage de leurs opinions, à titre personnel. Mais jamais au nom du parti.
Sur la question de la libéralisation de l’avortement, pas un seul istiqlalien n’a osé répondre. « Trop délicat pour se prononcer. » Et lorsqu’on demande à Nabil Benabdellah s’il est pour l’égalité entre hommes et femmes sur l’héritage, il se défausse : « Personnellement je suis pour.
Mais je connais les contraintes qu’impose un texte coranique. » Il faut croire que depuis que le PJD a kidnappé une partie de l’esprit de la Constitution en y faisant supprimer la liberté de croyance, les autres partis sont tétanisés à l’idée d’un affrontement avec une formation qui n’utilise pas les armes conventionnelles dans ses arguments. Mais on peut renvoyer dans les cordes ceux qui invoquent Dieu à tout bout de champ si on refuse de s’avancer sur ce terrain et si on considère que la religion est d’abord une question personnelle.
La politique, c’est aussi savoir trancher sur les questions de société. Et parfois être en avance sur la société. Les pays qui ont aboli la peine de mort l’ont fait contre leurs opinions publiques. Et celles-ci ont ensuite changé d’avis... La politique, ce n’est pas seulement promettre. C’est d’abord oser.
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