Nous avons un gouvernement formidable. Et l’on ne dira jamais assez de bien de la dream team de Abbas El Fassi qui pousse l’abnégation jusqu’à … penser pour nous ! Vous espériez, naïfs que vous êtes, que le printemps marocain, qui a vu éclore de multiples cercles de débats citoyens et s’épanouir un vent léger de démocratie – avec l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’organisation d’élections législatives que beaucoup espéraient comme une occasion exceptionnelle de renouvellement de la classe politique – que ce printemps-là , donc, permettrait enfin au Maroc de s’affranchir de quelques obstacles placés sur le chemin d’élections libres et transparentes ?
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C’était sans compter avec les convictions anachroniques d’une équipe ministérielle, à tout le moins de quelques-uns de ses membres qui entendent encadrer au plus près les citoyens que nous sommes.
Etes-vous pour ou contre un projet de loi interdisant les sondages en période préélectorale ?... Ne vous fatiguez pas, le gouvernement a pris la liberté de répondre à votre place ! C’est oui !
Vous êtes POUR un projet de loi interdisant les sondages en période préélectorale. C’est comme çà  ! De toute façon, nul ne saura jamais ce que vous pensez, puisqu’il est interdit de poser la question.
Vous pensez néanmoins qu’une majorité de citoyens marocains se déclareraient volontiers pour la réalisation et la publication de sondages sur l’état de l’opinion, à la veille d’une élection majeure pour le pays ?
Vous êtes majoritairement convaincus que votre opinion – au même titre que celle de nos compatriotes – est importante, et qu’à ce titre elle doit pouvoir être connue du plus grand nombre ?
Notre gouvernement, qui n’a peur de rien sauf de son ombre, et qui sait ce qui est bon pour nous – singulièrement en termes de liberté – n’a que faire de notre opinion. Braver l’interdit, ce sera s’exposer à des peines d’emprisonnement. Rien de moins.
Le projet de loi interdisant les sondages en période préélectorale, qui vient d’être adopté par le conseil de gouvernement, maintient donc le Maroc au rang des nations immatures. Mais comme Abbas El Fassi ne manque pas d’humour, l’interdiction des sondages électoraux « prend fin une fois l’opération de vote terminée » …
Les sondages, il est vrai, sont à prendre avec circonspection. Et les débats sont sans fin sur leur influence, réelle ou supposée, sur l’opinion publique.
Seulement voilà , voter sans sondage c’est, aussi, voter à l’aveugle. Et laisser les appareils, comme le gouvernement, qui tous ont les moyens d’en réaliser, avoir une vision et ainsi mieux préparer ces petites combinaisons qui feront, demain, une majorité.
En toute transparence, bien sûr…
Priver les électeurs d’être informés sur l’état de l’opinion, dans une pratique réglementée et réalisée par des professionnels reconnus, est une insulte à l’intelligence des citoyens que nous sommes. Etes-vous d’accord ? Pas d’accord ? Sans opinion ? Chut ! Inutile de répondre… Notre gouvernement, lui, estime que vous êtes sans opinion. A 100% !
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