Rachid Niny et Ilham Hasnouni ne se connaissent sans doute pas. Ils ont pourtant en commun de croupir en prison depuis quelques mois, dans des conditions sur lesquelles notre bonne société préfère mettre un voile pudique.
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Le premier a été condamné, le 9 juin dernier, à un an de prison ferme, pour «avoir jeté du discrédit sur une décision de justice, tenté d’influencer la justice et évoqué des faits incriminés non avérés».
La seconde est maintenue en détention à la prison de Boulmharez à Marrakech, depuis le mois d’octobre 2010, dans l’attente de son procès, maintes fois reporté, et désormais attendu pour ce mardi 26 juillet.
Son crime? Avoir participé (ce qu’elle nie) aux manifestations destinées à protester contre le refus de l’Université Cadi Ayyad de prendre en charge le coût des soins liés à une vaste intoxication alimentaire dont avaient été victimes des étudiants au restaurant de la cité universitaire.
Arrêtée plus de vingt-huit mois après les faits (!) la jeune fille de 21 ans aurait goûté aux méthodes d’interrogatoire musclées, et serait maintenue aujourd’hui encore, selon sa famille, dans des conditions de détention particulièrement sévères. Ni livre ni presse. Coupée du monde extérieur.
Rachid Niny, nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, est tout sauf un martyr. Ses pratiques journalistiques ne sont pas les nôtres. Son éthique personnelle et celle qu’il impose à ses collaborateurs –à coups de contre-vérités, de propos diffamatoires, de malhonnêteté intellectuelle– sont à mille lieues de notre démarche éditoriale.
S’il doit être combattu pour cela, sur le terrain du seul code de la presse, Rachid Niny n’aurait jamais dû être instrumentalisé au pénal. Sa condamnation et son incarcération, dans des conditions indignes, sont autrement plus révélatrices de la faiblesse et de la fragilité de ses zélés procureurs que des coupables imprudences d’un patron de presse auto-érigé en justicier des puissants qu’il abhorre.
Ilham Hasnouni, militante de l’Union nationale des étudiants du Maroc, un syndicat étudiant dont l’ouverture d’esprit et la tolérance ne sont sans doute pas les qualités premières, paie aujourd’hui au prix fort une proximité affichée avec le «groupe Zahra Boudkour».
La liste est longue des chefs d’inculpation qui lui sont imputés. Trop longue sans doute pour être tout à fait crédible. Et l’on pressent trop bien, là aussi, le message adressé quand il s’agit de maintenir en détention, dans des conditions tout aussi indignes que son infortuné compère journaliste, une jeune étudiante qui aurait pu comparaître libre devant ses juges.
L’incarcération de Rachid Niny comme celle de Ilham Hasnouni témoignent de la déraison d’un Etat dont les soubresauts d’une époque révolue n’en finissent pas de se manifester.
La jeune étudiante saura mardi prochain, sauf nouveau report, si elle est jugée coupable ou non, condamnée ou non, libérée ou non. Rachid Niny, lui, a pour seul horizon un élargissement en juin 2012.
Cette double incarcération est –quels que soient les griefs retenus à l’encontre de l’un ou de l’autre– insupportable au regard de l’image que le Maroc s’efforce de construire à l’adresse de ses concitoyens comme de la communauté internationale.
Ces décisions de justice, et avec elles les procédures qui ont été utilisées, sont en contradiction totale avec les intentions exprimées, au plus haut niveau, à l’occasion de la réforme de la Constitution.
Rachid Niny et Ilham Hasnouni n’ont assurément plus rien à faire en prison.
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