Les nouvelles qui remontent du front sont inquiétantes. Amplement financées pour expliquer la Constitution au petit peuple, la plupart des formations politiques ont profité de cette occasion pour tâter le pouls des électeurs potentiels. Ceux qui devront se rendre aux urnes pour les prochaines législatives. L’opération séduction pourrait faire grincer des dents les puristes mais, il est vrai, rien n’empêche un leader d’assurer sa promotion, une fois l’explication de texte finie.
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Mais ce qui pose problème, ce sont ces marchandages en coulisses, cette fébrilité des partis à courir derrière les « vedettes » des élections, ces forts en thème qui ne ratent aucun scrutin, ceux-là mêmes qui permettent de gonfler les effectifs parlementaires en un clin d’œil. La perspective d’un Parlement où la transhumance sera sévèrement réprimée exige désormais d’opérer les réglages en amont. D’où cette fébrilité. Les walis et autres agents d’autorité ont reçu des instructions fermes pour observer une neutralité absolue, dans la gestion du référendum mais aussi durant les législatives. Seulement voilà , on ne moralise pas la vie publique grâce à des instructions, aussi fermes soient-elles. C’est pourquoi le danger est grand de revoir les mêmes têtes émarger au Parlement, comme au gouvernement. Ce qui serait singulièrement préjudiciable au courant dans lequel s’inscrit, actuellement, la société marocaine qui appelle, entre autres, à un renouvellement urgent de la classe politique. Les « dégage » de la rue ne correspondent en rien à un meeting politique conjoncturel. Ils émanent d’un véritable ras-le-bol. Ces slogans qui viennent du cœur véhiculent tout simplement la volonté, légitime, de la jeunesse de s’impliquer dans le processus de démocratisation et de développement du pays.
Dans une démocratie honorable, des partis politiques contestés pour leur participation à l’un des plus faibles gouvernements de l’histoire du pays, remués par les coups de boutoirs du 20-Février, humiliés par les hordes de chômeurs, qu’ils soient diplômés ou non, de telles formations politiques auraient tout simplement dû faire leur propre révolution. Au lieu de ce sursaut de dignité, le « Tout va très bien, Madame la Marquise » est resservi avec la même effronterie. La course au strapontin est trop tentante, au moment où la nouvelle Constitution ouvre la voie à un pouvoir réel tant au niveau de la députation qu’à celui des ministres.
Même la gauche, qui s’est toujours vantée de détenir le monopole de la morale, est contredite par la réalité des comportements de certains de ses membres. La danse du ventre par ailleurs effectuée par ces partis à l’attention de candidats douteux illustre désormais l’impossibilité, pour les héritiers de Ben Barka, de concilier éthique et politique. Au-delà de ces querelles d’hommes, la gauche a montré son incapacité à produire des solutions crédibles aux convulsions nées avec le printemps arabe. En plus de la corruption, ces formations généralement fécondes en matière de production intellectuelle manquent désormais d’idées, ou du moins n’osent plus les assumer. Seul le PJD se distingue en refusant de courir après les candidats douteux…
Faisons un rêve : le ministère de l’Intérieur met sa menace à exécution et interdit désormais aux barons de la drogue, aux spécialistes des trucages d’élections, bref, à tous les ripoux de se porter candidats aux législatives et, de l’autre côté, le mouvement du 20-Février, mué en parti politique, place la barre très haut, aligne de nouveaux profils, intègres, dont le souci majeur est de servir le pays au lieu de se servir. Un rêve…
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