On commence à en savoir un peu plus sur la réforme constitutionnelle. Les fuites laissent augurer de l’instauration d’une monarchie constitutionnelle où la séparation des pouvoirs, si chère à Montesquieu – que citait souvent Hassan II –, sera enfin effective. Ce ne sera pas une réformette et le discours du 9 mars devrait être amplifié par ce qui apparaît comme une véritable révolution constitutionnelle.
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Nous reviendrons sur l’événement le plus important du règne de Mohammed VI. Mais nous pouvons cependant nous attarder sur l’un des aspects les plus novateurs de cette nouvelle Constitution : l’instauration probable de la langue amazighe comme langue officielle.
L’Algérie n’est pas allée aussi loin, se contentant d’un statut de langue nationale pour le tamazight. La nuance est de taille. Si la langue des berbères devient langue officielle, toutes les communications officielles se feront en amazigh. Et tous les petits Marocains devront apprendre la langue de « nos ancêtres les berbères ».
Or, le peuple dont les ancêtres étaient gaulois nous a « légué » sa vision jacobine des institutions. L’Etat centralisateur s’est imposé, et le dahir berbère fut une faute originelle qui empêcha durablement notre pays d’accepter sa diversité.
Au point que le préambule de la Constitution actuelle commence ainsi : « Le Royaume du Maroc, Etat musulman souverain, dont la langue officielle est l’arabe, constitue une partie du Grand Maghreb arabe ». Nous avons trop longuement occulté notre passé au profit d’une fiction arabo-musulmane.
La reconnaissance de l’amazigh comme langue officielle, alors que les spécialistes estiment que la moitié des familles marocaines sont amazighophones et que 28 % de nos compatriotes parlent uniquement dans cette langue, est un juste retour des choses. Nous sommes enfin capables de nous regarder en face, comme un peuple complexe, panaché et multiple. Et c’est notre force.
L’application de ce bilinguisme constitutionnel ne sera pas simple. Il faudra recruter des armées de traducteurs et d’enseignants qui grèveront le budget de l’Etat. Nous devrons sérieusement étudier les expériences d’autres nations multilingues.
On retiendra du bilinguisme canadien que, si la plupart des Québécois parlent anglais, la dominante anglophone ne fait guère d’effort pour apprendre le langage de la minorité francophone. On se souviendra qu’en Belgique, les Flamands refusent aux francophones situés sur leurs communes d’avoir accès à des services administratifs dans leur langue.
Nous pouvons mieux faire. Certes, les langues berbères sont multiples et un Gadiri ne comprend pas forcément un Rifain. Il y aura un travail d’uniformisation à faire. Mais toutes les langues ne sont-elles pas passées par ce processus, à l’instar du français issu des langues d’oc et d’oïl ?
Et les enfants bilingues sont mieux armés que les autres pour apprendre de nouvelles langues. Le mutilinguisme n’a jamais empêché un pays de prospérer. Regardez la Suisse… Mais il n’y a pas que la diversité linguistique. Nous pouvons aussi être le Royaume de la diversité ethnique, religieuse et culturelle.
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