Sa notoriété est peut-être aussi forte que celle du pays. Marrakech est une marque magnifique qui a mis des décennies à se construire. Elle s’est renforcée au fil des années grâce aux stars qui y séjournent, au festival du film qui les attire et aux hôtels de rêve qui les abritent. Marrakech, c’est aussi une star. Une ville qui symbolise les Mille et une nuits à trois heures d’avion pour les Européens qui en ont fait leur succursale ensoleillée.
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Mais son succès, c’est aussi sa fragilité. La marque glamour qui incarne le Maroc aux yeux du monde vit en ce moment une crise sans précédent. Impactée par la désaffection des Européens angoissés par les révolutions arabes qui se déroulent à 2 000 kilomètres de la Koutoubia, soufflée par l’attentat d’Argana qui visait les touristes qui font vivre la ville, Marrakech est aujourd’hui à nouveau sous les feux de l’actualité pour une affaire glauque et crapoteuse.
La polémique sur le ministre pédophile qui aurait partouzé avec des petits garçons dans la ville ocre fait les choux gras d’une France qui ressemble de plus en plus à un tabloïd britannique.
Par ricochet, ce scandale est un nouveau coup porté à une cité qu’on compare aujourd’hui à Pattaya ou Manille. Cible des terroristes, puis capitale des pédophiles, Marrakech subit un lessivage médiatique corrosif.
La cité des jardins y apparaît aussi comme une drôle d’arrière-cour de la République française. On vient y signer des pactes secrets dans le riad d’un certain Dominique Strauss-Kahn, un Marrakchi d’adoption plus vraiment valorisant pour l’image de la ville ; et on vient assouvir ses vices pour en repartir impuni avec la complicité honteuse d’autorités locales…
Aujourd’hui, la marque Marrakech est salie. Si une entreprise avait subie une telle attaque, elle aurait déjà riposté. Une cellule de crise aurait été mise en place et une communication idoine serait activée.
C’est ce qu’ont fait Coca Cola, Toyota, Boeing après chaque incident ou accident. C’est ce que réalise, avec un certain talent, le numéro un du nucléaire Areva, qui sort à peine écorné de la catastrophe de Fukushima, ou ce qui a motivé la décision allemande de se passer du nucléaire. Notons que dans les deux cas, contrairement aux accélérateurs de Toyota, Areva n’est nullement responsable de la crise mais en subit les effets. Comme Marrakech.
La capitale touristique du Maroc aurait aujourd’hui intérêt à mettre en œuvre une véritable communication de crise avant que son attraction ne s’effondre. Une marque peut mettre un siècle à se construire et quelques jours à se détruire. Le Brésil avait été attaqué pour les mêmes raisons.
De grands hôtels de Rio ont réagi en prévenant leurs clients lors de leur inscription que les pédophiles risquaient quelques dizaines d’années de prison. Marrakech a un plan pour relancer ses réservations, mais pas pour protéger sa marque. Des initiatives comme le concert « Les voix de la paix » ou le Marrakech du rire sont d’excellents soutiens pour promouvoir la ville.
Mais il faut aussi savoir être offensif et répliquer coup pour coup aux attaques. En ce moment, dans le métro parisien, des affiches montrent un touriste en train de buller sur la plage avec comme slogan « Il paraît qu’en Tunisie, la tension est à son comble. »
Une vraie réponse amusante et subtile pour rassurer des touristes craintifs après les images des révoltes. Il faut aujourd’hui trouver une réponse comparable et rapide pour préserver l’image de la ville. Sinon, ceux qui venaient pour son souk s’en détourneront à cause de son bordel.
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