L’enquête réalisée par nos envoyés spéciaux à Safi fait froid dans le dos. Ainsi, à tout moment, ce voisin, cet homme assis à nos côtés dans le train, ce commerçant maintes fois fréquenté, ce fidèle rencontré à la mosquée, ce touriste attablé en terrasse peut se muer en terroriste jihadiste. Et transformer cette gare, ce train, ce restaurant, en chaos meurtrier.
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Ainsi est-il possible de croiser quotidiennement certains de nos compatriotes, parfaitement anonymes, qui n’ont d’autre objectif que de tuer le maximum de personnes au nom d’une improbable idéologie.
Si Adil El Atmani est bien l’auteur de l’attentat perpétré place Jamaâ El Fna, on reste subjugué par la facilité avec laquelle il a pu échapper à toute surveillance, après avoir plusieurs fois tenté – en vain – de rejoindre les rangs jihadistes.
L’histoire de Adil, le présumé terroriste, révèle une terrible faille qui voit des individus, aussi transparents que déterminés, se préparer en toute tranquillité à des attentats, en passant sous l’œil pourtant vigilant des radars des services de sécurité.
L’œuvre meurtrière de Adil El Atmani, et de ses complices présumés, est assurément, selon les premiers éléments de l’enquête, un acte isolé. Il n’en reste pas moins terriblement attentatoire à l’image d’un Maroc qui se revendique apaisé, attentif aux rythmes d’un monde en mouvement, terre d’accueil pour les visiteurs comme pour les investisseurs en provenance du monde entier.
Seulement voilà , l’image de ce Maroc apaisé apparaît aujourd’hui singulièrement troublée. Et s’en tenir à la méthode Coué, comme un immense aveu de faiblesse. La seule question qui vaille est : croyons-nous, oui ou non, en ce pays ?
Dans sa capacité à surmonter les épreuves et à se dresser contre ceux qui voudraient le fragiliser pour mieux le contenir dans un état de dépendance ou de déshérence propice à toutes les dérives ?
Si la réponse est oui, alors montrons-le ! Répondre aux invitations multiples, qui pour une marche blanche, qui pour un jus d’orange de solidarité sur Jamaâ El Fna, est certes sympathique et celles-ci doivent être soutenues mais là , naturellement, n’est pas l’essentiel.
Quel message voulons-nous adresser au reste du monde ? Celui d’une société frileuse, repliée sur elle-même, et qui attendrait son salut des seuls investissements étrangers pour lesquels se démènent en d’incessants road shows nos plus éminents ministres ? Non ! S’il est un message à porter sans tarder, c’est celui d’une société profondément impliquée dans son propre développement. Cela exige que chacun se pose la question de savoir, aujourd’hui, ce qu’il peut faire pour son pays.
Le Maroc a besoin d’investissements pour assurer son développement ? Eradiquer la pauvreté (celle qui voit cette montée effrayante de la mendicité à chaque carrefour) ? Soutenir son industrie, et donc ses emplois ? Créer de la richesse pour enrayer ses défaillances en matière d’enseignement, de santé, de justice ?... Alors, investissons ! Investissez ! Arrêtons de jouer parfois double jeu, en nous contentant de faire un détour par Marrakech et en pleurant sur le sort du Maroc dans… les salons ou les dîners en ville. Le plus mauvais service à rendre à ce pays que nous prétendons aimer serait de se confiner dans une attitude au mieux d’attentisme, au pire de repli des capitaux sous d’autres cieux réputés plus cléments. In Morocco we trust !
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