L’attentat meurtrier qui, d’un souffle, a balayé jeudi à la mi-journée la salle et la terrasse du premier étage du café-restaurant Argana, sur une place Jamaâ El Fna bondée de touristes en cette période de haute fréquentation, renvoie à ce que cette époque passablement troublée peut produire de pire au sein de l’humanité : la lâcheté et la barbarie.
Alors que le Maroc s’inscrivait dans une démarche de réflexion et de mutation dynamiques mais apaisées, aiguillonné par une jeunesse avide d’une évolution démocratique et d’une justice éclairée, sollicité par son roi pour « faire preuve d’imagination et de créativité pour proposer un dispositif constitutionnel avancé », il s’est trouvé quelque(s) esprit(s) assez illuminé(s) pour porter la terreur au cœur d’un haut lieu de ce melting pot culturel qui fait la richesse du Royaume.
En frappant Marrakech, figure emblématique de l’accueil et de la chaleur conviviale du Maroc, comme du mélange joyeux des hommes, des races et des civilisations, le ou les inspirateurs et auteurs de cet attentat signent leur terrible forfait. Celui d’une insupportable atteinte à l’intégrité du pays, à la dignité et à la solidarité de ses habitants.
L’enquête ouverte immédiatement, au sujet de laquelle le roi a demandé que toute la lumière soit faite dans la plus grande transparence, établira, du moins l’espère-t-on, les responsabilités. Et si les condamnations sont unanimes, il serait toutefois imprudent de tirer à chaud de hâtives conclusions, en autant d’amalgames pour le moins inappropriés, sur les raisons qui ont pu motiver un tel acte. La singularité du Maroc, portée en avant par les pouvoirs publics, face aux inquiétudes d’une opinion internationale sensibilisée au « printemps du monde arabe », se trouve aujourd’hui fragilisée. Surtout, c’est toute une nation qui – quelles que soient ses divergences d’opinion – se sent, soudain, agressée dans ce qu’elle a de plus cher.
Au-delà de tous les événements récents qui ont rythmé la vie de la société marocaine dans toutes ses composantes, il est désormais une constante qu’il convient de ne jamais oublier. L’actualité de ces derniers mois a montré que l’Afrique subsaharienne et avec elle l’Afrique du Nord – dont le Maroc – sont devenues terre d’élection pour les réseaux terroristes, dont beaucoup se revendiquent d’AQMI. De même, est-il établi que ces mêmes réseaux terroristes entendent mettre à profit les mouvements qui traversent les pays arabes pour ajouter aux troubles ici et là . Sans doute faut-il se garder de toute psychose, mais laisser accroire que le Maroc serait à l’abri d’aussi noirs desseins serait bien imprudent. Le modus operandi de l’attentat criminel perpétré ce 28 avril à Marrakech porte une signature, à tout le moins une inspiration. La tentative de déstabilisation ainsi opérée n’exige qu’une seule réponse, celle de l’appel à la responsabilité de chacun. Celle-ci n’était peut-être pas la chose la mieux partagée ces dernières semaines…
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