Accablant. Comme tous les ans. Mais surtout pertinent. On a parfois reproché aux rapports de la Cour des comptes quelques approximations et quelques silences. Cette année, le document est un modèle de professionnalisme.
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Pas la peine d’avoir un diplôme d’expert comptable pour saisir les enjeux. La simple lecture du préambule du rapport 2009 mis en ligne sur www.courdescomptes.ma est une véritable leçon de bonne gouvernance.
On y pointe « la marginalisation » des conseils d’administration dans les entreprises publiques et des conseils d’élus dans les collectivités locales. Alors même que ces instances sont au cœur d’un système de contrôle que la Cour des comptes doit pallier !
Le rapport dénonce dans la foulée la « quasi-absence » de la culture de la performance dans les entreprises publiques. Doux euphémisme pour nos administrations où la culture du résultat n’existe pas alors que la logique des moyens est omniprésente.
On n’a aucun problème pour dépenser l’argent du contribuable ou des usagers dans des projets. Mais on le fait souvent n’importe comment : « La modestie d’impact desdits projets sur les citoyens est due soit à des défaillances dans la réalisation, soit à leur inadéquation avec leurs besoins, soit à la négligence des ouvrages publics en termes d’entretien et de maintenance. » Tout est dit.
Les magistrats dénoncent aussi « l’absence des études préalables de faisabilité ou leur non-fiabilité », « la faiblesse de l’initiative », « l’absence d’une culture managériale » et, last but not least, « la recherche de privilèges privés au détriment de l’intérêt général ». Et quand on referme le rapport, on a le sentiment que l’octroi des marchés par entente directe est érigé en sport national !
Symbole de la gabegie cette année, le CIH et la calamiteuse gestion unilatérale de Khalid Alioua qui est mise en exergue comme le fut celle de Abdelhanine Benallou l’année précédente. Le point commun entre ces deux « grands commis de l’Etat » , outre le fait qu’ils confondent servir et se servir ?
Ils sont tous deux membres de l’UFSP. Il y a quelques années, ces accointances les auraient durablement protégés. Mais l’histoire s’accélère. Benallou a été entendu par la BNPJ et c’est aujourd’hui Alioua qui est dans le collimateur.
Les lobbies, quels qu’il soient, auraient-ils moins de prise sur la Cour des comptes ? Il y a aussi certainement un effet 20-Février dans cette nouvelle livraison qui semble, à la première lecture, exempte de pressions et de caviardage.
Le rapport tombe alors que le Royaume semble prêt à engager un grand nettoyage (lire aussi p.16 à 34). Les détenus politiques pourraient bien être remplacés par les droits communs corrompus dont les manifestants réclament les têtes.
Mais il ne faut pas oublier le danger afférent à ce type d’opération mani pulite qui peut vite se transformer en chasse aux sorcières. Surtout quand on ne comprend pas pourquoi certains tombent et d’autres pas. Comment faire une opération mains propres dans un pays où tout le monde, ou presque, est mouillé ? Que celui qui n’a pas les mains sales lève le doigt !
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