Les précipitations qui se sont abattues au début de cette semaine sur Casablanca, et sa région, feront date. Par leur ampleur, et les dégâts humains et matériels qu’elles ont engendrés. Plus encore que celles de 1996, elles marqueront les esprits, tout simplement parce qu’il est inconcevable, en 2010, qu’une agglomération comme celle de Casablanca - capitale et poumon économique d’un pays qui se targue d’être à la pointe du développement dans de multiples domaines, et qui consacre des centaines de milliards de dirhams à ses équipements structurants – puisse être ainsi plusieurs jours durant envahie par les eaux, privée partiellement d’électricité, de téléphone et d’Internet.
On objectera qu’il y a plus grave. Avec raison. Les victimes, et notamment ces ouvriers emportés par les eaux entre Mohammédia et Bouznika, sont autant de morts insupportables quand leur vie aurait pu être épargnée. Pour autant, il n’est pas interdit de prendre un peu de recul pour mesurer, sereinement, la gravité d’une situation dont ont été victimes des centaines de milliers de familles, d’entreprises, de commerçants, de sociétés…
L’ampleur des dégâts témoigne d’abord – quoique s’en défendent élus et responsables politiques ou administratifs – de dysfonctionnements pérennes et généralisés. Qui a tiré les leçons des inondations de 1996 ? Qui a laissé se développer une ville capitale sans véritable plan d’urbanisme et ses indispensables équipements structurants? Qui a failli dans l’éradication des bidonvilles ? Qui a construit ou laissé construire villas, pavillons, immeubles – abandonnant le marché de l’immobilier à des spéculateurs ou investisseurs trop souvent peu regardants sur la qualité des constructions ?... La liste est longue des questions qu’il faudra bien affronter si nous ne voulons plus voir se reproduire les images d’apocalypse de ces derniers jours.
Nul ne niera l’importance tout à fait exceptionnelle des précipitations de ce début de semaine. Il serait toutefois criminel que rien ne change au lendemain de ce désastre. Les premiers rayons de soleil revenus, la tentation sera grande de réparer ponctuellement tel ou tel dégât pour effacer les traces les plus visibles.
Le télescopage des Assises du Tourisme, tenues en début de semaine à Marrakech, et du chaos casablancais ne manque pas d’intérêt. Que vaut la juste ambition d’un pays, terre d’accueil de touristes venus du monde entier, quand sa capitale économique présente le visage d’une ville dévastée ? Les milliers de visiteurs – touristes, mais surtout hommes d’affaires en rendez-vous professionnels – descendus dans les hôtels de la ville ont pu vérifier « l’exception » casablancaise.
Le caractère inédit des intempéries que nous avons eu à subir n’exonère en rien, de leur imprévoyance ni de leur incurie, un certain nombre de services et de responsables. A tous les échelons, politiques et administratifs. La population l’a bien compris qui, à l’occasion de manifestations spontanées, ne réclamait même pas de l’aide immédiate – elle est trop habituée à la solidarité communautaire à laquelle elle est le plus souvent abandonnée – mais tout simplement que « ça ne se reproduise plus ! »
Passé le temps des réparations les plus urgentes, il faudra bien que les responsabilités soient établies. Et engagés les chantiers nécessaires. Municipalité, wali et les tout nouveaux gouverneurs du Grand Casablanca ont désormais une obligation de résultat.
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