Est-ce l’actualité qui sert le roi, ou le roi qui bouscule l’actualité ?... Qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre hypothèse – et sans doute faut-il y déceler une part de vérité dans les deux - le discours adressé par le roi à son peuple en ce mercredi 9 mars 2011 restera comme un nouvel acte fondateur du règne de Mohammed VI.
Le roi met à profit le calendrier du processus de régionalisation avancée pour engager le Royaume sur la voie d’une réforme constitutionnelle majeure. Démarche audacieuse, empreinte d’une grande subtilité.
Certes, la mise en œuvre de la régionalisation, avec élection des conseils régionaux au suffrage universel direct, transfert du pouvoir exécutif des walis et gouverneurs aux présidents de régions, refonte de la Chambre des conseillers… imposait l’adoption de quelques amendements à la Constitution. Certes, les événements qui, depuis la mi-décembre 2010, bousculent nombre de pays arabes aux confins du Maghreb et du Moyen-Orient - et incitent la jeunesse marocaine à exprimer haut et fort ses revendications en faveur de plus de justice, de libertés, et de transparence dans la vie politique, économique et sociale – ne pouvaient laisser le chef de l’Etat insensible à l’espérance ainsi portée, sereinement à ce jour. Mais, en engageant le pays sur la voie d’une révision constitutionnelle globale (lire pages X à X), le roi entend répondre sans tarder aux aspirations de ses concitoyens (notamment en matière de libertés et de droits de l’homme, d’indépendance de la justice), bâtir le socle d’une nouvelle organisation institutionnelle au bénéfice d’un réel équilibre des pouvoirs, avec un Premier ministre chef d’un exécutif effectif.
Ce faisant, le roi ne fait pas seulement montre d’une habileté de circonstance. Il invite fermement les partis politiques et toutes les forces de la nation – y compris les « organisations de jeunes et les acteurs associatifs » - à concourir à la réussite de ce nouveau projet fondateur. Surtout, il fait entrer de plain-pied le Maroc dans le cercle des grandes démocraties. Et donne une singulière leçon à ses puissants voisins au sein du monde arabe. Quand la Tunisie et l’Egypte peinent à organiser la nécessaire transition au lendemain de la déchéance de leurs dirigeants, quand le Yémen voisin refuse au président Saleh, depuis 32 ans au pouvoir, l’idée même d’une nouvelle constitution érigée en bouée de sauvetage, quand les monarchies du Golfe s’efforcent de contrôler toute velléité de contestation… le Maroc apparaît aujourd’hui dans toute son « exception ».
Si le roi fixe le cadre, la commission – invitée à rendre ses propositions d’ici à trois mois – a toute latitude pour faire preuve « d’imagination et de créativité ». Autant dire pour placer le curseur de la réforme au plus près des attentes du peuple, dans toutes ses composantes, et aborder toutes les questions « cruciales » débattues ces derniers jours au sein même de la société.
Le discours du roi n’est pas seulement une adresse institutionnelle de plus à l’égard de la nation. Il marque une rupture fondamentale en ce qu’il bouscule l’ordre établi, invitant de façon pressante les formations politiques à faire leur propre révolution. Et toutes les composantes de la société à contribuer à l’édification d’une démocratie apaisée. Cette « révolution royale » ne devrait pas rester isolée. Ce sont toutes les forces de la nation qui se voient ainsi sollicitées par leur roi, pour de plus nobles objectifs que ceux dans lesquels quelques esprits chagrins et parfois haineux voudraient les contraindre, dans un médiocre quotidien.
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