Ce n’est pas encore le printemps, mais ça y ressemble furieusement ! Nul ne sait encore ce qui restera de l’initiative prise par quelques jeunes, déterminés à faire bouger les lignes d’une société à leurs yeux singulièrement sclérosée, en ce 20 février 2011.
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Que n’ont-ils entendu de la part de tous ceux – et ils étaient hier nombreux – qui ne voulaient voir dans leur démarche qu’une tentative de déstabilisation, instrumentalisée par les « ennemis de la patrie », évidemment à la solde de l’étranger !
La réalité fut tout autre. Et ni les débordements – condamnables – ni les tentatives de récupération – trop visibles pour être tout à fait honnêtes – ne sont venus ternir l’esprit de responsabilité qui était le leur. Il est d’ailleurs assez piquant d’observer aujourd’hui combien le mouvement du 20 février trouve écho dans toutes les composantes de la société, jusque et y compris au sein du patronat et des partenaires sociaux, et même – qui l’eut cru ? – parmi des formations politiques depuis longtemps plus enclines à se phagocyter qu’à écouter battre le cœur de la société.
Au point que les condamnations d’hier, à l’égard de quelques « excités », ont mué en autant de célébrations, parfois impudiques, de la « lucidité » de cette jeunesse en quête d’un meilleur avenir, au sein d’une société plus juste, plus égalitaire, plus respectueuse de ses citoyens !
« Osons ! » s’exclame aujourd’hui la CGEM de Mohamed Horani qui, évoquant la « maturité de la jeunesse marocaine », reconnaît que « la marche du 20 février nous interpelle en tant que citoyens et acteurs économiques responsables ». Louable intention… Ainsi donc, aura-t-il fallu que la jeunesse s’exprime un peu bruyamment pour que politiques et partenaires sociaux se remobilisent autour d’« aspirations légitimes » hier tenues dans une quasi-ignorance.
La panoplie des chantiers et des mesures souhaités par l’organisation patronale pourrait relever d’un inventaire à la Prévert s’ils n’étaient, effectivement, cruciaux pour la cohésion sociale. Nombre de ces chantiers ou mesures ne sont guère nouveaux. Leur acuité n’a pourtant jamais été aussi pertinente. Les évoquer à nouveau témoigne d’abord du retard pris dans leur concrétisation, et de l’absence de consensus entre l’état et les partenaires sociaux pour faire avancer d’indispensables réformes.
« Les aspirations légitimes de notre jeunesse incitent à une accélération du rythme des réformes et à une plus grande célérité dans l’exécution des stratégies nationales et régionales de notre pays », observe la CGEM, qui se propose de concourir à la création de quelque 2,5 à 3,5 millions d’emplois d’ici à 2020, avec une répartition plus équilibrée des richesses entre les régions.
Rencontre des organisations syndicales avec le gouvernement, mobilisation du patronat, initiative du Centre des jeunes dirigeants (CJD) dans une « lettre ouverte » adressée au roi et aux acteurs socio-économiques, réflexions engagées au sein même de quelques formations politiques…
Le frémissement observé n’est pas seulement un hommage indirect aux jeunes du Mouvement du 20 février. Il porte en lui les germes d’un renouveau du débat démocratique, et de la prise en compte par les pouvoirs publics des aspirations d’une grande partie de la jeunesse qui, après être sortie du système scolaire par vagues entières, a été abandonnée à elle-même. Cette jeunesse qui était hier maintenue à la marge, privée d’une parole que l’on entendait exprimer à sa place, bloquée dans un ascenseur social en panne depuis des années. Osons ? Chiche !
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