Onze morts, dont dix parmi les forces de l’ordre, recensés après le démantèlement du camp de Gdim Izik, érigé dans la périphérie de Laâyoune par une population porteuse de revendications sociales. Onze morts inutiles. Onze morts de trop.
Onze nouvelles victimes d’un conflit vieux de trente-cinq ans qui voit se succéder en vain les tentatives de résolution, en dépit des efforts déployés par le Maroc et les Nations unies.
Ces tragiques événements ont une double dimension, locale et internationale. Ce qui s’est passé à Laâyoune, fin octobre, ne manque pas de surprendre. Comment a-t-on pu laisser s’installer un camp de plusieurs milliers de tentes destiné à constituer ipso facto un foyer de revendications qui était visiblement tout sauf spontané. Les requêtes – légitimes, comme se sont plu à le souligner toutes les formations politiques – d’une population et de sa jeunesse en proie au chômage et aux difficultés de logement étaient connues de longue date. Et ses éléments les plus actifs suffisamment surveillés pour éviter tout débordement. La date anniversaire de la Marche Verte, comme celle du rendez-vous diplomatique de New York, étaient (ou auraient dû être) également à l’esprit de tous ceux qui exercent quelque responsabilité dans l’administration de cette région.
Laisser s’ériger hors la ville un tel campement, dont chacun savait qu’il constituerait à très court terme un symbole de la contestation de la souveraineté de la nation, relève d’une singulière erreur dont on voit aujourd’hui qui en a payé le prix. Une telle initiative nécessite des semaines de préparation, une logistique éprouvée, des contacts et des réseaux en grand nombre. Dès lors, on se surprend à s’interroger sur la faillite des services de renseignement et la passivité des autorités face à la volonté manifeste des séparatistes, et de leurs soutiens, d’en découdre. Surtout, un mouvement d’une telle ampleur n’aurait sans doute pu voir le jour si une attention plus grande avait été portée aux déséquilibres économiques et sociaux dont souffre cette région. On ne peut se féliciter, comme l’on fait ces derniers jours tous les leaders politiques, de la « légitimité » des revendications des populations en cause, et s’affranchir simultanément de toute responsabilité quant aux raisons profondes de ces attentes.
Il en va de cette région comme de bien d’autres, qui voient les impulsions et les recommandations royales souffrir d’un cruel manque de volontarisme des responsables locaux en termes de suivi et de réalisation. Or, au Sahara précisément, laisser perdurer des « revendications légitimes », c’est offrir aux activistes du Polisario un terreau favorable au recrutement, aux thèses indépendantistes et aux actions les plus violentes. Au-delà de l’urgence locale immédiate, le discours royal prononcé à l’occasion de l’anniversaire de la Marche Verte et le rendez-vous diplomatique de New York confirment la voie dans laquelle les parties prenantes ont l’obligation de s’engager sans tarder.
En appelant à identifier les responsables des entraves à la paix, en procédant à la restructuration du CORCAS (Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes), en pressant sa diplomatie de trouver une solution politique sous l’égide de l’ONU, le souverain exprime l’urgence du dossier. Reste au pouvoir politique, à tous les niveaux, à répondre sur le terrain à cette urgence. Les événements de Laâyoune ont montré que cette réponse méritait une tout autre mobilisation des acteurs concernés. Pour qu’il n’y ait plus de nouveau « Gdim Izik »… |