Les chiffres donnent le tournis : 19 consortiums internationaux et 200 entreprises ont été présélectionnés pour édifier une centrale solaire à la capacité de 2 000 mégawatts qui permettra d’économiser un million de tonnes de pétrole et 3,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone.
Cette gigantesque centrale (la plus grande centrale solaire thermoélectrique au monde !) que le roi a symboliquement lancée avec tout le gouvernement le 26 octobre dernier à Ouarzazate, n’est que le premier complexe d’envergure d’un programme qui comprendra cinq sites équivalents. Le Maroc n’a pas peur de regarder le soleil en face.
Ce programme pharaonique coûtera la bagatelle de 9 milliards de dollars. Mais nous ne serons bien sûr pas les seuls à le supporter. Le plan solaire marocain est lié au projet Desertec qui encourage la production d’énergie solaire dans le désert et au projet Transgreen qui construira les infrastructures de transport électrique entre le Nord et le Sud. Ces deux consortiums sont les premières réalisations concrètes dont peut s’enorgueillir l’Union pour la Méditerranée, une structure dont on s’est beaucoup gaussé mais qui avance au moins sur ces dossiers primordiaux.
Car lorsque l’on construit de grands « machins » supra-étatiques, on a intérêt à ce qu’ils répondent en priorité aux besoins des peuples. L’énergie en fait partie et c’est un bon starter pour l’UPM. Il y a d’ailleurs un référent : c’est la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) qui fut le socle de l’Union européenne. Imaginée par le Franco-Luxembourgeois Robert Schuman, cette organisation avait établi un marché unique du charbon et de l’acier pour unir les ressources de la France et de l’Allemagne afin que la guerre devienne « non seulement impensable mais aussi matériellement impossible ». Comme la CECA, le plan solaire est aussi un système gagnant-gagnant. Le Sud exporte une partie de son électricité vers le Nord qui s’est fixé des objectifs d’énergie verte tandis que l’Est et l’Ouest peuvent mutualiser les infrastructures de transport d’électricité.
Hélas, on attend encore le Robert Schuman algérien. Alors que le Maroc et la Tunisie sont les moteurs du plan solaire de l’UPM, l’Algérie traîne des pieds pour intégrer Desertec et Transgreen. Youssef Yousfi, ministre algérien de l’Energie et des Mines, pose trois conditions pour que son pays rejoigne les projets transcontinentaux : « Un partenariat pour l’acquisition technologique », la fabrication des équipements sur place et une ouverture vers le marché européen des excédents d’électricité. C’est de bonne guerre, mais ce n’est plus du tout gagnant-gagnant. Les entreprises, essentiellement allemandes, qui maîtrisent la technologie solaire, n’ont aucun intérêt à se délester de leur savoir-faire sans contrepartie.
L’Union du Maghreb n’est décidément pas pour demain. Comme souvent, les Algériens risquent de rester à l’écart d’un mouvement destiné à promouvoir la paix et à favoriser la croissance dans la région. Une attitude qui s’explique en grande partie par le magot pétrolier sur lequel reposent la richesse du pays et la fortune de ses dirigeants. Sauf que les réserves pétrolières de notre voisin pourraient bien s’épuiser rapidement, vers 2020 selon une étude de BP. Espérons que le gisement de galonnés qui contrôlent l’Algérie s’épuise encore plus vite. |