« Pour assurer un salaire confortable et l’immunité aux députés », répondrait le premier quidam venu. Mais encore ? A elle seule, la Chambre des représentants coûte au contribuable plus de 300 millions de dirhams par an, dont 90 % en dépenses de personnel (fonctionnaires et députés), le reste étant affecté au matériel, au transport, voyages et autres pèlerinages !
Contre quels services rendus ? L’absentéisme est une maladie chronique de tous les parlements du monde mais chez nous, c’est déjà la métastase. Le parlement buissonnier est pratiqué à grande échelle et les menaces à répétition de « sanctions politiques et financières » à l’égard des absentéistes, avec l’énoncé des noms des contrevenants avant l’ouverture des questions orales et leur publication dans le Bulletin officiel, n’ont rien changé. Le Parlement remplit-il sa mission ? Produit-il des lois ? Les lois qu’il faut ? D’une manière générale, le vote des lois se limite, pour les députés de la majorité, à un blanc-seing donné au gouvernement et, pour l’opposition, à un refus de principe systématique.
Depuis l’avènement du gouvernement d’alternance, en 1998, les établissements publics sont tenus de fournir un rapport détaillé sur leurs budgets à la commission des Finances de la Chambre des représentants. Or, une fois encore, combien de véritables commissions d’enquête – avec publication des rapports – ont été diligentées sur les dépassements de nombreux offices ? Deux, en tout et pour tout. Une enquête de la Chambre des conseillers sur la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et une de la Chambre des représentants sur les frasques du Crédit immobilier et hôtelier (CIH). Pire, l’équilibre des pouvoirs est devenu un déséquilibre fondamental puisque la transhumance des députés a non seulement provoqué la balkanisation du champ politique mais a fini par dégoûter définitivement les citoyens de la politique.
Résultat, le Parlement – et c’est là sa défaite –est désormais perçu comme un obstacle, non comme une solution. Entre ceux qui sèchent le Parlement et ceux qui piquent un somme dans l’hémicycle, quel avenir espérer de la vénérable institution ? Il faut résister à la tentation de discréditer les politiques et de façon plus large la politique, en faisant le siège de la Chambre des députés et en hurlant : « A bas les ripoux ! » On pense aux propos de Montesquieu sur le caractère indispensable du respect de la vertu dans un système démocratique qui favorise la tentation de tous les vices. Mais aux rêveurs de systèmes alternatifs, il faut expliquer que la crise de la représentation parlementaire, loin de dévaluer l’institution, n’aura fait que confirmer son importance. Si l’on considère, avec le compas de l’Histoire, les transformations considérables qui travaillent aujourd’hui le Maroc de l’intérieur, on cessera de broyer du noir. On reconnaîtra la dynamique de changement impulsée à la coupole par le discours royal (voir page 38), conjuguée à la conscience chez de nombreux citoyens que le Parlement, avec les médias et la société civile, restent les derniers contre-pouvoirs dans toute démocratie qui se respecte. |