CĂąâŹâąest devenu un running gag qui ne fait plus rire. Ă⏠chaque fois quĂąâŹâąun classement est publiĂ© par un organisme international, le Maroc se retrouve dans le peloton de queue. Le dernier en date sur le e-gouvernement nous place ainsi Ă la 126e place sur 192. Alors on accuse lĂąâŹâąincurie de nos gouvernants et les dĂ©fauts de notre mode de gouvernance. Et on a raison. Mais qui accuser lorsque cĂąâŹâąest le peuple marocain lui-mĂÂȘme qui va volontairement se placer parmi les cancres de la planĂšte ?
Un sondage, passĂ© relativement inaperçu en dĂ©cembre dernier, est Ă cet Ă©gard Ă©difiant. On a posĂ© la mĂÂȘme question aux habitants de 128 pays : Ă« Vous sentez-vous personnellement menacĂ© par le rĂ©chauffement climatique ? Ă» La rĂ©ponse est oui pour seulement 30 % des Marocains. Il nĂąâŹâąy a que dix pays plus insouciants que nous face Ă lĂąâŹâąenjeu majeur du XXIe siĂšcle. Et il faut voir qui nous devançons: le LibĂ©ria, lĂąâŹâąAfghanistan, le Pakistan, la Sierra Leone, le NigĂ©ria, le Rwanda, le BurundiĂąâŹÂŠ des nations oĂÂč le climat est une menace moins palpable quĂąâŹâąune mine antipersonnel, un kamikaze consciencieux ou la machette du voisin.
Est-ce le fatalisme oriental ou arabo-musulman qui nous aveugle Ă ce point ? Mais les Saoudiens, eux, sont conscients du problĂšme Ă 40 %, les AlgĂ©riens et les Tunisiens Ă 46 %, les Libanais Ă 54 %. Le pire dans cette histoire, cĂąâŹâąest que nous figurons parmi les douze peuples les moins concernĂ©s par ce problĂšmeĂąâŹÂŠ et parmi les douze nations les plus menacĂ©es par le rĂ©chauffement climatique dans le domaine agricole, selon un rapport de la Banque mondiale de juin 2009 !
Ce je-mĂąâŹâąen-foutisme lĂ©gĂšrement suicidaire va-t-il perdurer ? On peut le craindre Ă court terme. AprĂšs le discours volontariste du roi lors de la fĂÂȘte du TrĂÂŽne le 30 juillet dernier, un impressionnant dispositif a Ă©tĂ© mis en place pour lancer la Charte sur lĂąâŹâąenvironnement. Presque tout le gouvernement Ă©tait prĂ©sent Ă Skhirat le 14 janvier pour soutenir Meriem Bensalah Chaqroun, en charge dĂąâŹâąorganiser les JournĂ©es de la terre et dĂąâŹâąĂ©laborer la Charte. Des rĂ©unions de concertation ont lieu, en ce moment mĂÂȘme, dans les seize rĂ©gions du Royaume pour Ă©couter les dolĂ©ances des citoyens et Ă chaque rĂ©union, deux ministres sont en service commandĂ©. Dans un effort de transparence et dĂąâŹâąe-dĂ©mocratie sans prĂ©cĂ©dent, un site Web a Ă©tĂ© mis en place pour inciter les Marocains Ă participer au dĂ©bat. Le moins quĂąâŹâąon puisse dire, cĂąâŹâąest que ça ne se bouscule pas encore au portail. MalgrĂ© le ramdam mĂ©diatique, seuls 2 500 visiteurs sont venus jeter un Ă
âil la premiĂšre semaine, et une trentaine ont laissĂ© des commentaires.
Il est vrai que la machine vient de se mettre en branle et ce nĂąâŹâąest pas en quelques mois que les mentalitĂ©s vont changer. Mais Ă actuel, alors que le Maroc essuie rĂ©guliĂšrement les premiers prĂ©mices des bouleversements climatiques Ă venir, sĂ©cheresse latente entrecoupĂ©e de prĂ©cipitations cataclysmiques (voir notre dossier sur les inondations page 14), nous essayerons modestement de contribuer Ă cette prise de conscience. En commençant par interroger des personnalitĂ©s de la sociĂ©tĂ© civile qui donnent lĂąâŹâąexemple - et des idĂ©esĂąâŹÂŠ qui pourraient aisĂ©ment devenir des articles de la Charte (voir page 38).
Nous changeons dĂąâŹâąĂšre et, ces prochaines dĂ©cennies, le plus grand pĂ©ril que devra affronter le Royaume ne sera pas forcĂ©ment une crise Ă©conomique, morale ou politique mais environnementale. LĂąâŹâąanticiper, cĂąâŹâąest changer nos comportements et prĂ©parer les bouleversements. Dans une gĂ©nĂ©ration, le plus gros risque que nous allons devoir affronter, ce nĂąâŹâąest pas la perte du Sahara, mais plutĂÂŽt son dĂ©placementĂąâŹÂŠ Quand le climat dĂąâŹâąEl Jadida sera celui de Dakhla. Quand nous serons tous Sahraouis !
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