Après la réforme du code de la route, le Maroc a besoin d’une autre loi de modernisation du pays… et des esprits. Cette nouvelle réforme serait encore plus ambitieuse car elle pourrait définitivement positionner le Royaume comme un pays exemplaire dans le monde arabo-musulman et mettre enfin en accord nos discours avec nos lois.
La bonne nouvelle, c’est que cette réforme est dans les tuyaux. La mauvaise, c’est qu’elle risque de se transformer en réformette.
C’est Mohamed Naciri, le nouveau ministre de la Justice, qui a décidé, dès sa prise de fonction de crédibiliser la justice du pays et de relancer la réforme du code pénal... vieux serpent de mer qui aurait dû voir le jour en 2005. Aujourd’hui, de commissions en expertises, on se presse lentement au ministère de la Justice pour remodeler l’un de nos textes essentiels. De l’introduction des peines alternatives pour désengorger les prisons à la promotion de l’auto-délation avec remise de peine, les premières mesures envisagées (voir page 50) sont loin d’être anecdotiques. Le système d’auto-délation est d’ailleurs particulièrement révélateur du nouvel état d’esprit pragmatique qui pourrait présider à cette réforme. Pour une fois, nous n’importons pas un texte du droit français ou de la charia, mais nous acclimatons une pratique anglo-saxonne qui a fait ses preuves.
Pour autant, ces mesures ne touchent pas aux fondamentaux de notre société. La dépénalisation de pratiques, qui relèvent de notre vie privée et ne portent nullement atteinte à l’ordre public, serait autrement plus courageuse. Notamment si l’on supprimait l’article 490 qui punit « de l’emprisonnement d’un mois à un an, toutes les personnes de sexe différent, qui n’étant pas unies par le mariage ont, entre elles, des relations sexuelles ». Outre que cet article provoque drames et corruption, il contredit les conventions sur les droits humains que le Maroc ratifie pourtant les yeux fermés. Tout comme l’article 222 qui interdit le prosélytisme. Un texte en contradiction flagrante avec l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé par le Maroc et qui stipule : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. »
La liste des articles liberticides à éradiquer ne s’arrête pas là . Le code pénal est un concentré d’aberrations : de l’interdiction de l’alcool alors que nos bars sont pleins à celle du cannabis dont les consommateurs encombrent les salles d’audience du Royaume. Nos prisons aussi sont surpeuplées mais la détention provisoire est une règle intangible qu’on pourrait adoucir par la mise en place d’un contrôle judiciaire.
Des centaines d’avortements sont pratiqués chaque jour dans le pays dans des conditions d’hygiène déplorables mais l’interruption volontaire de grossesse reste un crime. La peine de mort n’est plus appliquée au Maroc depuis plus de quinze ans mais elle n’est toujours pas abolie. Nous pourrions être le premier pays arabo-musulman à supprimer définitivement ce rituel barbare.
Pour tous ces chantiers, ne comptons pas sur le Parlement. Aucun parti politique n’ose penser le changement, à l’exception paradoxale du PJD qui s’est prononcé en faveur de l’aménagement de la loi sur l’avortement et ne craint pas d’évoquer l’alcool.
Certes, certaines dispositions d’une vraie réforme du code pénal iraient à l’encontre de la société traditionnelle marocaine. Mais dans toutes les nations, la modernité est d’abord portée par une minorité. Le Maroc n’échappe pas à la règle. Sauf que les formations politiques oublient que leur rôle ne se limite pas à la conquête du pouvoir. Seul le roi et la société civile impulsent les mutations dans notre pays. Il serait temps que les partis cessent d’avoir peur de la démocratie. |