Il y a au moins une excellente mesure dans le nouveau code de la route dont on attend l’adoption depuis des lustres, c’est l’introduction d’alcootests. On sait que l’alcool au volant n’est pas réprimé car, officiellement, le Maroc est un pays musulman dont les conducteurs sont sobres comme des chameaux. Sauf que cette fiction provoque plus de 500 morts par an. Les islamistes qui contestent l’introduction d’alcootests, au prétexte que leur utilisation reviendrait à cautionner la consommation d’alcool, adoptent une attitude à peu près aussi responsable que les papes qui proscrivent le préservatif quand le sida tue trois millions de personnes par an. Admettre que ce ne sont pas les 50 000 résidents étrangers qui boivent 650 000 bouteilles de Flag chaque jour (car après tout il faut être marocain pour apprécier la Spéciale !) serait une petite révolution. Et un authentique symbole. Car en reconnaissant un vice marocain (l’alcoolisme), on en combattra un autre (la violence... routière en l’occurrence) et on en supprimera un troisième (l’hypocrisie).
C’est d’ailleurs ce dernier vice qui est notre principal problème et c’est en grande partie de ce défaut que résultent tous les autres… qui n’en sont que parce que nous les considérons comme tel. Un vice n’existe qu’en fonction d’une époque et d’une civilisation. N’importe quel philosophe athénien ou n’importe quel Marocain d’avant la nouvelle Moudawana marié à une jeune fille à peine pubère serait aujourd’hui sous les verrous pour pédophilie. Entendons-nous, il n’est pas question de cautionner les vices d’autres temps et d’autres lieux. Mais de rappeler que le curseur de la morale se déplace allégrement suivant les époques et les cultures. Notre kif national, qui était dans l’ADN du Royaume, est aujourd’hui au ban de la société… parce que la morale d’autres pays consommateurs nous l’impose. Et à quoi sert cette interdiction sinon à susciter de nouvelles dérives mafieuses ? On sait depuis Al Capone que la prohibition crée la criminalité, le sordide et l’arbitraire. Il y a toujours des vices cachés dans la vertu ostentatoire.
La pénalisation de l’amour hors mariage et la sacralisation de la virginité engendrent d’autres effets pervers dans notre pays où 15 % des prostituées déclarent avoir conservé leur hymen (1) ! D’abord parce que les permanences de lutte contre le sida reçoivent des jeunes filles certes vierges mais pourtant infectées par d’autres pratiques. Ensuite parce que les gynécos accouchent régulièrement de jeunes mères pucelles qui ont pratiqué l’amour sans pénétration. Mais pas sans risque.
Il reste maintenant à faire le tri entre les vices dont il faut atténuer les conséquences si celles-ci sont préjudiciables à la santé des Marocains (la drogue, l’alcool, le sexe à risques) et combattre efficacement ceux qui minent les fondements de notre société (la corruption, la violence...). Mais pour cela, il faut d’abord regarder en face la mère de tous les vices, l’hypocrisie, dont l’emprise mentale empêche toute évolution sereine. Il faut dépénaliser les vices qui n’en sont que dans la tête… des vicieux.
(1) Enquête de l’Organisation panafricaine de lutte contre le sida au Maroc (OPALS-Maroc). Réalisée en janvier 2008 auprès de 500 prostituées marocaines.
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