Chaque année, quand les MRE envahissent nos villes, nos plages et nos routes, on entend les mêmes refrains. « On en fait trop pour eux alors qu’ils sont arrogants, mal élevés et qu’ils ne savent même pas conduire », râlent les Marocains qui sont pourtant champions du monde des accidents de la route. Et d’ailleurs, « quand les MRE roulent, remarquent les mêmes en pointant les BM et les Mercedes aux plaques européennes, c’est en voiture volée ou avec l’argent des trafics ». Des jugements hâtifs, pourtant partagés aussi bien par le peuple que par une certaine élite qui a honte de ces Marocains de banlieue, descendants de paysans illettrés et si mauvais ambassadeurs du Royaume. Derrière le moindre crâne rasé en décapotable, on imagine la racaille et le dealer. Comme si les médias européens avaient forgé notre propre opinion sur nos cousins de l’autre rive...
Bizarrement, ce discours change quand nos Marocains du monde font des étincelles, accomplissent des prouesses sportives ou artistiques et réalisent de belles carrières politiques. « Les Marocains qui gouvernent l’Europe et Israël » a même titré cette semaine l’hebdomadaire Al Watan al An. On retrouve dans ce dossier les figures emblématiques de la diaspora marocaine, Rachida Dati et ses pendants moins bling bling du Benelux : Fadila Laanan, ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des Chances de la Communauté française de Belgique et Ahmed Aboutaleb, le maire de Rotterdam natif de Beni Sidel. Le journal n’hésite pas non plus à s’approprier des personnages aussi controversés qu’Amir Peretz qui fut le ministre de la Défense pendant la guerre contre le Liban de 2006 ou Schlomo Amar, le grand rabbin d’Israël !
Car, quand on réussit à l’étranger, que l’on soit juif ou arabe, natif de Casa ou de là -bas, qu’on s’appelle Debbouze ou El Maleh, on est toujours un Marocain. Mais quand on a juste gagné de quoi se payer des vacances au bled, on est d’abord un MRE. Et si, en plus, on est jeune, on est soupçonné d’être un délinquant.
Les clichés sont tenaces et ces jugements hâtifs sont souvent complètement à côté de la plaque. Et quand on interroge les jeunes MRE, on ne peut manquer d’être surpris, voire touché, par les liens qui les unissent à leur patrie d’origine. Le dernier sondage du CCME, réalisé auprès de MRE âgés de 18 à 34 ans, est à cet égard révélateur. 93 % d’entre eux parlent l’arabe, 91 % pensent important de garder des liens avec leur famille au Maroc, pays dans lequel ils reviennent à 97 % ! Ce n’est plus un sondage, c’est un plébiscite. D’autant que 43 % de ces jeunes qui débutent dans la vie active soutiennent financièrement leur famille au Maroc.
Ce ne sont ni des stars ni des racailles, mais ils se battent pour s’intégrer dans des pays qui ne leur mènent pas toujours la vie facile et pour aider un pays qu’ils aiment et qui le leur rend parfois bien mal.
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