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Attention danger ! 
actuel n°52, samedi 19 juin 2010
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Encore ! Mais ce sujet a déjà été traité des centaines de fois !... » Quand la lassitude gagne les esprits, le renoncement n’est pas loin. Or, la lassitude semble avoir depuis longtemps gagné notre société face au mouvement des diplômés chômeurs qui, depuis des années, et par vagues successives, battent le pavé de la capitale, aux portes même du pouvoir.


Alors, posons clairement la question : pouvons-nous nous accommoder, sans réagir, de voir une partie de notre jeunesse désespérer de la société qui s’offre à elle ? La tentation est grande. Et parfois compréhensible. Après tout, l’obstination de ces étudiants, qui tiennent leur diplôme pour un droit d’entrée automatique dans la fonction publique, confine à l’absurdité. Et leur aveuglement, savamment entretenu par des leaders idéologiquement égarés, face à la réalité d’un marché du travail soumis aux turbulences de l’économie mondiale – auxquelles aucun État ne saurait échapper –, n’est pas loin d’accabler leurs plus fidèles supporters.

Seulement voilà, passe encore de troubler la circulation en centre-ville ou de perturber le trafic ferroviaire en envahissant les voies, mais la récente tentative d’immolation à laquelle se sont livrés quelques manifestants place le curseur au-delà de l’acceptable. Cette catharsis, pour spectaculaire et dramatique qu’elle soit, dépasse amplement le cas de ces quelques centaines de diplômés chômeurs. Elle met le gouvernement face à sa responsabilité, qui est de tout faire pour permettre à sa jeunesse de trouver sa juste place au sein de la société. À quel degré de désespérance est-elle parvenue pour faire sciemment le choix du suicide par le feu ? Cette radicalité devrait interpeller tous les acteurs, publics et privés, qui détiennent une parcelle de responsabilité à l’égard de la jeunesse.

Coincé entre une exigence de rigueur budgétaire et la conduite d’une politique de maîtrise de la dépense publique, le gouvernement ne peut assurément ouvrir grandes les vannes du recrutement dans la fonction publique. Et si l’accord qui vient d’être signé – qu’il convient de saluer – répond à la pression des diplômés chômeurs, il ne saurait tenir lieu de politique à long terme. La responsabilité du gouvernement est ailleurs. Car c’est bien pour avoir trop longtemps ignoré la désagrégation progressive de notre système d’enseignement, et laissé se développer une mécanique infernale, pourvoyeuse de diplômes inutiles au regard de la réalité du marché de l’emploi, que les pouvoirs publics peinent aujourd’hui à répondre aux aspirations d’une jeunesse qui a fait, à tort ou à raison, le choix de l’université pour entrer dans la vie active. Quand, de surcroît, les conditions d’accès aux rares emplois publics manquent parfois singulièrement de transparence, les détenteurs de diplômes peuvent montrer quelque agacement. Lorsque, enfin, le privé fait à ce point l’objet d’un phénomène de rejet de la part d’une frange importante de la jeunesse, gouvernement et acteurs économiques devraient s’interroger sur la réalité d’une telle situation. Et tenter d’y remédier sans tarder.

L’inadéquation patente, et récurrente, entre diplômes et marché de l’emploi mérite assurément mieux qu’un rapport de forces, émaillé d’affrontements, sur la voie publique. Cette inadéquation a un coût économique, social et humain qu’il serait dangereux d’ignorer. Sauf à s’affranchir du message adressé par une jeunesse en quête d’avenir.

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