Vous me reconnaissez ?... Je suis l’un de ces managers formés aux meilleures écoles, et au carnet d’adresses particulièrement bien fourni. J’ai de l’entregent et sais entretenir d’excellentes relations avec mes pairs. On dit de moi (il m’est arrivé de relayer abondamment l’« information ») que je béné?cie de la protection des puissants, et je me garde bien de démentir. J’ai été nommé par Dahir et cela me laisse une grande liberté d’action.
Mon conseil d’administration n’a de « conseil » que le nom. Quant à l’« administration », je sais m’assurer de la bonne exécution de mes initiatives. Mon conseil est appelé à être présidé par le Premier ministre, ou son représentant. Le Premier, je ne l’ai jamais vu. Et je sais garder à distance son représentant. Il ne manquerait plus que les membres du conseil s’immiscent dans les procédures d’appel d’offres et de passation de marché que je suis amené à conduire.
J’ai d’ailleurs de nombreux amis, serviteurs dévoués, que j’ai appelés à me rejoindre à telle ou telle direction opérationnelle. Notre proximité évite des débats fâcheux autant qu’inutiles et accélère l’exécution de mes décisions.
J’aime rendre service. Les amis de mes amis sont mes amis, et les petits cadeaux entretiennent l’amitié. Nous sommes ainsi de grands amis. J’ai déjà , dans une direction précédente, été épinglé par la Cour des comptes. Les magistrats enquêteurs n’avaient pas compris toute la subtilité de ma gestion. En ont-ils été surpris ? Leurs observations, qui n’ont même pas été suivies d’effet, ne m’ont pas empêché d’exercer de nouvelles et hautes fonctions. Et mes ministères de tutelle ont depuis longtemps renoncé à exercer le moindre contrôle sur mes activités ou mon mode de management. Pourquoi ? Je l’ignore, mais je m’en accommode aisément. Peut-être redoutent-ils la « protection » dont je me plais à me prévaloir… J’ai appris par le plus grand des hasards que l’on m’avait quali?é d’un surnom : « Monsieur 10% ». Faudrait pas exagérer ! Quoique… Mais j’ai bien ri. Et mes amis aussi, qui, eux, n’ignorent pas le montant de ma reconnaissance. Je plaisante… »
En vérité, le cas de l’ONDA, puisque c’est de lui qu’il s’agit, ne prête guère à la plaisanterie (Lire pages 26 et 27 d'actuel N°39). Et pose clairement la question de la gouvernance des entreprises publiques, sur lesquelles les contrôles qui devraient être exercés régulièrement pèchent au mieux par insuffisance, au pire par inexistence. Pour autant, la Cour des comptes s’est, elle, intéressée à la gestion de l’ONDA. Elle a établi son rapport, dès l’été 2009. Or, contrairement à ce que prévoit la loi, ce rapport n’a toujours pas été rendu public. Il ne faudrait pas que le scandale de la gestion de l’Of?ce national des aéroports se double d’un autre scandale : celui de l’omerta imposée sur un rapport justement attendu par l’opinion, quand bien même la nouvelle Direction générale a sollicité l’Inspection générale des Finances pour auditer l’Of?ce.
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