Qu’y a-t-il de commun entre la crise que traverse l’Union européenne, les célébrations du cinquantenaire de l’indépendance de quatorze anciennes colonies françaises en Afrique, et la tenue en cette fin de semaine à Casablanca du Forum Afrique Développement ? A priori, pas grand-chose. Et pourtant… La concomitance de ces trois événements invite à la réflexion. Au lendemain d’une Seconde Guerre mondiale qui les avait laissés exsangues, les pays de l’Europe de l’Ouest ont souhaité tisser des liens économiques, puis politiques, pour favoriser leur développement et leur croissance, et peser dans le nouveau concert des nations. Le chemin a été long, du Marché commun à l’Union européenne et sa monnaie unique, pour permettre à 27 pays de construire une vaste zone de libre échange et de s’engager sur la voie d’une gouvernance économique commune. Après une crise financière mal maîtrisée, 2010 s’annonce pourtant comme l’année de tous les dangers pour l’UE. Des membres imprudents en matière de gestion budgétaire, au bord de la faillite, une monnaie unique attaquée de toutes parts par les spéculateurs, une gouvernance atomisée et donc inefficace : la solidarité européenne, mise à l’épreuve, peine à s’affirmer.
Alors que la crise européenne perturbe l’économie mondiale et ses places financières, c’est une quasi indifférence qui prévaut à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance des ex-colonies françaises en Afrique. Nicolas Sarkozy avait prévu de décréter « 2010, année de l’Afrique ». Il y a renoncé. Il n’est même pas sûr que tous les pays africains concernés soient représentés au prochain sommet de Nice, encore moins au défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées. La « France Afrique » ne fait plus recette, et les anciens colonisés n’en finissent pas de prendre leur distance avec l’ancienne puissance tutélaire dont l’aide et la coopération, au fil des années, n’ont cessé de s’amoindrir.
Est-ce parce qu’il est l’un des rares pays du Maghreb à avoir, de tout temps, entretenu des relations avec l’Afrique noire – depuis les premières routes caravanières – que le Maroc émerge aujourd’hui de façon assez spectaculaire comme un partenaire incontournable des pays de l’Afrique sahélienne ou subsaharienne ? Les événements n’ont pas manqué, ces toutes dernières années, pour témoigner de l’intérêt porté par les grandes entreprises du Royaume, publiques ou privées, à l’égard des pays du Sud. Mais l’Histoire s’accélère, et le déploiement du groupe Attijariwafa bank – qui fait du continent africain la « tête de pont » de sa stratégie de déploiement à l’international – donne désormais une dimension particulière à la démarche des opérateurs marocains. Il est d’ailleurs piquant de constater que ce déploiement d’AWB s’opère au fil du retrait d’un grand établissement bancaire français.
Le millier de participants au Forum Afrique Développement, en provenance de quelque quatorze pays africains, et réunis à Casablanca par Mohamed El Kettani, le président du groupe Attijariwafa bank, est là pour en témoigner. Au moment où l’Europe traverse une zone de turbulences sans précédent, où les ex-colonies s’affranchissent définitivement de la France Afrique, c’est une nouvelle génération de citoyens africains qui entend participer activement, à « la construction de l’Afrique de demain ». Les faiblesses structurelles du continent sont connues de tous. Et les obstacles ne manquent pas. Reste la détermination des hommes, appuyée par la mutualisation des compétences et des financements. De ce point de vue, le Forum Afrique Développement fera date.
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