Est-ce là ce que nous avons mérité ? Sans vouloir faire offense aux figures de proue qui occupent le devant de la scène politique marocaine au soir de cette année 2012, l’apparition successive de Abdelilah Benkirane, de Hamid Chabat, et cette semaine de Driss Lachgar, laisse un goût amer pour qui s’intéresse à la politique, à ses valeurs, aux enjeux qu’elle porte pour le mieux-être de notre communauté nationale.
Ces trois-là ont en commun de surfer, jour après jour, sur la vague de populisme qui semble avoir gangréné notre démocratie, reléguant aux oubliettes le nécessaire débat démocratique, fait certes d’affrontements, parfois virils, mais affrontements d’idées et non de dérapages plus violents et indécents les uns que les autres.
Ce cirque politique auquel nous donnons l’impression d’assister, impuissants, libère les invectives les plus viles. Et ils s’accommodent des petits arrangements les plus répréhensibles, quand les arguments portés par ces chefs de partis devraient au contraire élever le débat pour la réelle mise en œuvre de cette Constitution plébiscitée en juillet dernier. Constitution qui – aujourd’hui encore – manque cruellement de serviteurs.
On objectera que ce populisme, qui fait désormais le lit de notre vie politique, n’est pas le seul fait du Royaume. De la Flandre à l’Italie, de la République hongroise ou tchèque, en passant par… la France et son « bleu Marine », les mauvais prêcheurs ne manquent pas pour nourrir leur discours de la crise économique et de l’accroissement de la pauvreté qui laissent les plus faibles et les plus démunis sur le bas-côté. Et qui, las, finissent par se réfugier dans les bras de ceux qui leur promettent des lendemains meilleurs, servis par un protectionnisme et un égoïsme communautariste pourtant sans espoir.
Des invectives répétées de Benkirane à l’égard de ses adversaires, réels ou supposés, à l’adoubement officiel de Lachgar par Chabat, l’agitateur de l’Istiqlal et de la coalition gouvernementale, on peine à trouver les voies d’une démocratie apaisée. Celle-là même que l’on nous promettait au nom de l’« exception marocaine ». De même que l’on cherche, en vain, l’expression d’une réelle opposition au sein du jeu politique. Ainsi semblent portés disparus Salaheddine Mezouar ou encore Mustapha Bakkoury… Que sont ces leaders de l’opposition devenus ?
Le moins surprenant de la montée en puissance du duo Chabat-Lachgar n’est pas cette sorte d’affranchissement débridé de valeurs hier portées tant par les pères fondateurs de l’Istiqlal que ceux du Parti de la rose. Comme si nous n’avions plus qu’à choisir entre le pire et le moins mauvais. S’il s’agit de se placer en ordre de bataille pour les prochaines échéances électorales, la stratégie fait froid dans le dos. Les prochaines élections locales, dont on ignore encore la date, pourraient bien ressembler, avec ses alliances incertaines, à l’ultime farce de cette tragi-comédie.
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