Et si on avait vu trop gros ? Deux ans après son lancement, l’UPM, l’Union pour la Méditerranée est un organisme incapable de fonctionner. Le moindre texte à adopter achoppe inévitablement sur le conflit israélo-palestinien. La dernière querelle en date concerne l’accès à l’eau, thème de la quatrième conférence qui a eu lieu à Barcelone. La mention dans un texte des « territoires occupés » a bloqué toute poursuite de négociation. Israël refusant la formulation… L’UE a alors proposé « territoires sous occupation ». Mais les pays de la Ligue arabe ont rejeté le terme.
Controverses byzantines alors que quelque 290 millions de personnes risquent, d’ici à 2025, de manquer cruellement d’eau dans le bassin méditerranéen… Mais ces bisbilles sont aussi révélatrices d’une machinerie diplomatique incapable de fonctionner correctement. On veut faire l’Union pour la Méditerranée avec 43 pays alors que l’Europe a mis près d’un demi-siècle pour passer de 6 à 27… On va trop vite et trop loin.
Et si on commençait par nous ? Avant d’unir la Méditerranée, unissons d’abord les grandes zones qui la composent. C’est le sens d’un intéressant rapport de l’Institut Thomas More, un think tank européen basé à Bruxelles. Les chercheurs qui ont rédigé ce rapport intitulé « Pour une sécurité durable au Maghreb » recensent les ubuesques conséquences d’une Union du Maghreb arabe (UMA) comateuse : un commerce intra-régional qui ne représente que 1,3 % des échanges extérieurs des cinq pays, une frontière algéro-marocaine ouverte 7 ans sur les 50 dernières années, une perte de 2 points de PIB pour le Maroc, 20 000 emplois qui s’évaporent en Tunisie, les avions entre le Maroc et la Tunisie qui passent par la France, les bateaux entre l’Algérie et le Maroc qui transitent par l’Espagne… la liste est interminable.
Pour l’Institut Thomas More, l’union du Maghreb est une évidence économique… et un impératif sécuritaire pour l’Europe. Car la non-résolution du dossier du Sahara rend crédible une « balkanisation de la région ». Les auteurs du rapport soulignent que « le centre de gravité du terrorisme s’est déjà déplacé vers le Sud ». Et le cauchemar pour l’Europe serait l’émergence d’un Sahara indépendant qui risquerait de se « transformer en zone grise propice à tous les trafics, à la prolifération du terrorisme et, in fine, à la déstabilisation de toute la région ». En conclusion, ils estiment que la seule « solution crédible de sortie de crise » est le plan d’autonomie du Maroc.
Et l’Institut d’avancer que l’Europe aurait plutôt intérêt à se préoccuper davantage du Maghreb que du Machrek. Mais Jean-Baptiste Buffet, un des coauteurs du rapport, va encore plus loin dans une tribune publiée dans Le Figaro du 15 avril. Il critique la politique défensive de l’UE qui protège ses frontières au nord du Maghreb alors que « l’Espace Schengen ne s’arrête pas à Tarifa, en Espagne, mais commence aujourd’hui à Nouakchott, en Mauritanie ».
Une vision qui impliquerait une libre circulation des hommes des deux côtés de la frontière est peut-être plus réaliste qu’une UPM ingérable. Une Union pour la Méditerranée occidentale… pourquoi pas ? Si l’UPM est une reconstitution de la Mare Nostrum, souvenons-nous que l’Empire romain s’était divisé en deux pour mieux contrôler un territoire ingouvernable. Ce n’est pas un Empire romain à la Zemmour qui le confond avec l’Empire carolingien circonscrit à l’Europe, mais un ensemble économiquement cohérent et historiquement éprouvé. Et si on y réfléchissait ?
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