La coïncidence n’est que fortuite, mais elle vient éclairer le propos. Le projet de loi de Finances présenté par le gouvernement Benkirane a été adopté, quasi en l’état, par les députés de la Chambre des représentants à la veille du premier anniversaire de la nomination du secrétaire général du PJD à la tête du gouvernement. Faut-il y voir là plus qu’un symbole ? Beaucoup seront tentés de comptabiliser ce seul événement au titre du bilan de cette première année. Une première loi de Finances, par ailleurs très contestée, à la main du nouveau chef de gouvernement, et quoi d’autre ?
On n’aura pas la cruauté d’égrener ici la liste des promesses énoncées par le PJD lors de la campagne des élections législatives qui l’ont porté au pouvoir. Certes, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, et non ceux qui les énoncent, mais c’est peu dire que les électeurs – pro-PJD ou non – attendaient une tout autre rupture dans la conduite de la politique gouvernementale.
La virginité des islamistes en matière de gouvernance leur offrait un crédit qui aurait dû leur permettre d’attaquer de front et sans délai les multiples carences recensées dans des secteurs aussi cruciaux pour nos concitoyens que la justice, l’éducation nationale, la santé ou encore les transports. Sans pour autant renforcer l’arsenal législatif. Les lois et règlements existent souvent, encore faut-il les appliquer. Ou les faire appliquer par une administration volontiers rétive à toute remise en question de pratiques éprouvées dans l’indifférence de leur ministère de tutelle. Or, exception faite de quelques initiatives, tout se passe comme si ce gouvernement s’était attaché tout au long de cette année à expédier simplement les affaires courantes.
On attendait un engagement rapide sur des réformes déterminantes tant pour l’économie – dont tous les indicateurs sont au rouge et vont en s’aggravant – que pour le secteur des affaires, en mal de visibilité, ou encore pour la société qui souffre de l’ampleur de l’iniquité qui la gangrène. Nous avons dû prendre acte de l’impuissance de la nouvelle coalition gouvernementale à bousculer le désordre établi. Le chef du gouvernement doit naturellement prendre toute sa part de responsabilité dans ce maigre bilan. Où est passé le flamboyant opposant et tribun qui s’opposait aux Premiers ministres d’hier ? Plutôt que de s’attaquer régulièrement aux « crocodiles » qui l’empêcheraient d’accomplir sa tâche, Abdelilah Benkirane serait sans doute plus avisé de s’en prendre à ses propres démons qui affectent sa lucidité et, partant, sa capacité à conduire sereinement une politique et une équipe gouvernementale au service de toutes les composantes de la société. Il est vrai que face au quatuor de sa coalition, la tâche n’est pas aisée. Et moins encore depuis l’accession à la tête de l’Istiqlal de Hamid Chabat, ouvertement candidat à sa succession. Contesté naturellement par l’opposition, fragilisé par une coalition hétéroclite, critiqué jusqu’au sein de son propre parti, soumis à des choix et orientations qui le dépassent, Benkirane s’efforce devant l’opinion publique d’imposer un leadership quand c’est de réformes profondes dont le pays a besoin. Urgemment.
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