La réélection de Barack Obama et, partant, la défaite de Mitt Romney, ne laissent personne indifférent. Certes, la Russie et la Chine pèsent de toute leur puissance économique et diplomatique sur les relations internationales, mais nul n’attend de réel changement, ou de nouvelles orientations, à l’occasion d’élections qui sont, à Moscou comme à Pékin, un déni de démocratie. L’un et l’autre sont assurément prévisibles.
Le combat auquel se sont livrés Obama et Romney porte un tout autre sens. Car, contrairement à une légende qui a fait long feu ces dernières décennies, républicains et démocrates, ce n’est pas, ce n’est plus tout à fait la même chose. L’héritage de Bill Clinton et celui de George W. Bush ne sont en rien comparables. Et l’ambition portée par Obama ou par Romney, tout au long de cette longue campagne, n’était pas plus similaire. Au « moins d’Etat » (fédéral), à la baisse des impôts (pour les plus riches), à la réduction des dépenses de Medicare (en faveur notamment des personnes âgées et des handicapés), au soutien sans condition à la politique de Netanyahu (à l’égard des Palestiniens comme de l’Iran), prônés par Mitt Romney – tenant d’un conservatisme pur et dur –, Barack Obama a su offrir le visage d’une Amérique ouverte. Celui d’une société plurielle, fût-elle fortement influencée par la religion, et déterminée à faire (re)vivre le rêve américain au bénéfice du plus grand nombre. « Que vous soyez blanc, noir, homosexuel ou hétérosexuel, vous avez tous votre chance ! », s’est exclamé le président après sa réélection.
Romney et les républicains pensaient que les Etats-Unis devaient rétablir leur leadership et leur autorité sur le reste du monde. Mais les Etats-Unis ont perdu de leur superbe. La crise économique et financière a balayé cette prétention. Le « mur » budgétaire et fiscal (fiscal cliff) auquel Washington se trouve confronté ne laisse plus guère de marge de manœuvre au prétendu leadership américain face à la montée en puissance de la Chine – porte-drapeau de la mondialisation – ou de la Russie, engagée dans une reconquête militaro-industrielle généreusement financée par les richesses naturelles du pays.
Obama a certes pu décevoir. Souvent hésitant, parfois jugé trop prudent, il n’en a pas moins engagé sa réforme sur la santé, évité le défaut de paiement à l’été 2011, favorisé le rétablissement de l’industrie automobile (dont Romney ne voulait pas entendre parler !), préparé le retrait des troupes d’Afghanistan, et fait tomber le mythe Ben Laden. Pour autant, beaucoup lui reprochent son échec au Proche-Orient, sa discrétion lors du Printemps arabe, et l’évanescence de ses intentions exprimées à l’égard du monde arabo-musulman lors de son discours du Caire.
Ce second et dernier mandat n’en est que plus attendu. Et beaucoup espèrent qu’il donne enfin sa pleine mesure. Sur le plan intérieur où il entend améliorer la politique d’immigration, achever la réforme de la santé, relancer le secteur industriel, et réformer la fiscalité en alourdissant l’impôt sur les revenus du travail, mais surtout sur le capital et les dividendes. Comme au plan international, où les espoirs portés par le discours du Caire demeurent toujours d’actualité. Le dossier du Proche-Orient ne peut rester bloqué par un Netanyahu va-t-en-guerre.
Le discours d’apaisement d’un Obama, soucieux du rétablissement d’une économie et d’une société où les règles du jeu sont les mêmes pour tous, ne porte pas sens pour la seule Amérique. C’est sans doute en cela que la réélection de Barack Obama ne devrait laisser personne indifférent.
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