L’investissement va mal. Pour la première fois, les dépenses d’investissement vont clôturer l’année sur une baisse de 2% selon les pronostics de Bank Al-Maghrib. Le choc est dur à encaisser quand on sait que ces mêmes dépenses ont réalisé une croissance moyenne de… 11% sur toute la période 2001-2007.
Mais pour une fois, l’Etat n’est pas responsable de cette mauvaise nouvelle, du moins pas directement. L’investissement public devrait maintenir le cap des années précédentes en affichant, bon an mal an, une croissance de près de 30% d’ici à décembre 2012.
Le mal provient donc clairement de l’investissement privé qui, lui, devrait accuser sérieusement le coup. Pour quelles raisons ? Tout simplement parce que les opérateurs marocains – les PME en particulier – ne jouent pas, ou ne jouent plus leur rôle. Ils ne croient plus en l’avenir (mais y ont-ils jamais cru ?). Ils n’ont pas confiance dans le gouvernement Benkirane, ni dans son programme où le social prime sur l’économique. Ils sont encore échaudés par le Printemps arabe, et victimes de la déprime de la demande étrangère… Autant de pessimisme auquel viennent s’ajouter les obstacles administratifs qui persistent malgré l’amélioration de l’environnement des affaires.
Ainsi s’égrènent les mêmes prétextes de la part des patrons qui se confinent dans un attentisme suspicieux, adressant un message singulier de confiance, ou plus exactement de défiance au pays. Textile, agro-industrie, tourisme, chimie, plasturgie… à l’exception du BTP, porté par les commandes publiques, aucun secteur « classique » n’est épargné par ce climat atone qui rappelle la frilosité maladive des décennies 80 et 90. Ces mêmes années où le Maroc était soumis à la cure drastique du fameux plan d’ajustement structurel (PAS) imposé par le FMI. Un spectre que certains chefs d’entreprises n’hésitent pas à agiter pour justifier leur attentisme.
Et voilà que l’octroi, ces derniers jours, par le FMI d’une ligne de facilités de 6,5 milliards de dollars, vient apporter de l’eau à leur moulin ! Encore un prétexte pour ne pas investir ni créer ces emplois dont le pays à tant besoin pour absorber la masse croissante des « diplômés-chômeurs », ni prospecter de nouveaux marchés, et encore moins saisir des opportunités chez les pays voisins qui, eux, sont en proie à une crise sociale, politique et économique autrement plus aiguë et palpable.
En faisant le mort, le temps de voir venir, en différant leurs investissements productifs pour moderniser leurs unités et accroître leur capacité de production, nos patrons sont-ils conscients qu’ils contribuent à l’accélération et à l’amplification de la crise, et donc à la dégradation des indicateurs macroéconomiques déjà dans le rouge ? Sont-ils conscients qu’ils augmentent, ainsi, chaque jour, les chances de nous voir imposer un nouveau plan d’ajustement structurel, avec en prime, une perte de souveraineté économique ? Veulent-ils que les choix stratégiques du Maroc soient décrétés à partir de Washington, là où siège le FMI ? Si les demandes de crédits à l’équipement adressées aux banques continuent de baisser, comme c’est le cas depuis le début de l’année, la machine déjà au bord de l’asphyxie, sous l’effet de la chute cumulée des réserves en devises, du déficit commercial et des investissements étrangers, risque de s’arrêter net. Crise cardiaque. Là , il sera déjà trop tard.
Investir en temps de crise, voilà une décision rationnelle d’opérateurs économiques conquérants. C’est le meilleur moyen pour être fin prêt au moment de la reprise et partir à la conquête de nouvelles parts de marché, avant les concurrents. Au lieu de cela, l’on continue d’attendre des miracles d’un gouvernement qui se cherche, et d’un plan d’urgence concocté… dans l’urgence.
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