Le 6 juillet dernier, le ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, inaugurait la grande mosquée d’Evry (qui peut accueillir 3 000 personnes) en prononçant un discours remarqué. « La grande mosquée de Cergy est une belle illustration de ce qui doit se passer dans notre pays, a-t-il dit avant d’ajouter, notre responsabilité, c’est de progressivement construire un islam de France, un islam qui trouve pleinement ses racines dans notre pays. » Puis le 21 juillet, il participait au ftour de la grande mosquée de Paris sans entrer dans les polémiques entre son recteur, Dalil Boubakeur, et le Conseil français du culte musulman. Le même ministre, pourtant réputé pour sa rigueur en matière d’immigration, profitait ensuite d’une visite au Maroc pour annoncer l’assouplissement des procédures kafkaïennes de visas.
Le message était clair et effaçait les errements de la fin de règne de Nicolas Sarkozy. La France donnait enfin l’image officielle d’un pays réconcilié avec ses 3,5 millions de musulmans. Sauf qu’il ne s’agissait que de l’image officielle. Mercredi dernier, deux têtes de cochon gisant dans une mare de sang ont été déposées à l’aube devant la mosquée de Montauban près de Toulouse. Cette profanation, qui intervient en plein Ramadan, est bien sûr un acte isolé commis par quelques imbéciles. Mais ces actes sont en augmentation constante. Au premier semestre 2012, l’Observatoire national contre l’islamophobie a dénombré 17 actions islamophobes (violences, attentats, vandalisme...) en France, contre 11 en 2011, soit une augmentation de plus de 50%.
Plus inquiétante est la polémique déclenchée cette semaine également par le maire de Gennevilliers, une commune de la banlieue parisienne. L’élu (communiste...) a suspendu quatre moniteurs d’une colonie de vacances de la ville qui observaient le jeûne au motif qu’ils mettaient en danger la santé des enfants alors que leur contrat leur imposait de se nourrir. Aussitôt, cette décision a provoqué une levée de boucliers de la part des associations musulmanes (soutenue opportunément par Jean-François Copé, leader de l’UMP !) dénonçant un acte d’islamophobie et menaçant la mairie de sit-in et de procès. Le maire est finalement revenu sur sa décision.
Que retenir de cette histoire ? D’abord que l’islamophobie est une accusation qu’on dégaine un peu trop vite. Si le maire a imposé des contrats anti-Ramadan, c’est parce qu’une animatrice pratiquant le jeûne s’était endormie au volant, provoquant un accident ; deux enfants avaient été blessés. Or la mairie est pénalement responsable en cas de manquement aux mesures de sécurité. Mais en appliquant la manière forte, sans débat, le maire a aussi provoqué une polémique qui renforce, de fait, l’islamophobie en France. Il suffit de lire les commentaires sur les sites d’information, y compris des médias de gauche, pour en mesurer les effets...
On aurait pu éviter d’en arriver là , si la mairie avait aménagé les horaires des moniteurs par exemple, en prévoyant que des non-jeûneurs prennent le relais en fin de journée. C’est ce qu’on appelle un accommodement raisonnable, un concept québécois qui est entré dans la jurisprudence canadienne et qui incite, entre autres, les employeurs à « prendre le Ramadan en considération » et à être « proactifs dans la recherche de solutions, comme modifier les tâches ou l’horaire de travail ».
C’est du vrai bon sens. C’est comme ça qu’on apprend à vivre ensemble. Ce concept québécois mériterait d’être acclimaté sous toutes les latitudes ! Y compris chez nous pour qu’on s’accommode raisonnablement de ceux qui ne vivent pas comme les autres...
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