C’est un pays baigné de soleil et riche de contrastes : la richesse opulente d’une bourgeoisie arrogante côtoie d’immenses bidonvilles. C’est un pays religieux et presque mystique, un pays qui aime faire la fête et s’enflammer pour les matchs de foot. La population se concentre dans les villes côtières et sa capitale économique est un chantier permanent face à l’Atlantique. C’est un pays qui nous ressemble. Ce pourrait être notre référence.
Comme nous, le Brésil est sorti de ses années de plomb et son apprentissage démocratique s’est conjugué avec une croissance économique sans précédent. Aujourd’hui, ce pays est la sixième puissance économique devant le Canada et le Royaume-Uni. Jamais nous n’atteindrons la taille d’un tel géant, même si le Maghreb uni pourrait nous en approcher, mais là n’est pas l’essentiel. C’est la méthode qui mériterait d’être acclimatée sur la rive Est de notre océan commun.
Si le Brésil est sorti depuis une dizaine d’années d’une longue stagnation économique et qu’il a survécu à la crise depuis 2008, c’est grâce à une politique volontariste menée par des présidents de gauche autour de deux axes : le soutien aux industries d’exportation et surtout le partage des richesses. Sous la présidence de Lula, la classe moyenne a dépassé les 50% de la population. Ces anciens pauvres devenus de nouveaux consommateurs ont boosté le marché intérieur, attirant de ce fait les capitaux étrangers. Confronté à un essoufflement de sa croissance en raison de la nouvelle crise européenne, le Brésil maintient ses objectifs et refuse de s’aligner sur les mesures d’austérité du vieux continent. « Notre voie est de maintenir les investissements, de faire en sorte que les subventions, les avantages et les gains de ce développement soient redistribués », vient d’affirmer la présidente Dilma Rousseff.
Effet collatéral de ce cercle vertueux, il y a aujourd’hui une pénurie de bonnes à Sao Paulo ! Les domestiques noirs ou métis de la région de Salvador de Bahia n’ont plus besoin d’aller trimer chez les riches du Sud. Même les provinces les plus reculées ont bénéficié du développement, et le Nordeste longtemps à l’écart du miracle brésilien fournit aujourd’hui du travail à ses habitants. Le rapport de force a changé en faveur des employés de maison qui se sont syndiqués en masse, comme nous l’apprend un article récent de L’Express ; le travail au noir a disparu et le pouvoir d’achat des employés de maison a augmenté de 40% en une décennie...
Grâce à ses politiques sectorielles et au renforcement de ses infrastructures, le Maroc a connu lui aussi un développement spectaculaire de son économie (voir notre dossier pages 14-31). Mais qui en a profité ? Le Royaume peut se vanter de ses taux de croissance, pas de sa dégringolade dans les classements de développement humain. Alors que notre croissance pique du nez et que nos partenaires économiques souffrent, on ressent aujourd’hui cruellement l’étroitesse de notre marché intérieur pour relancer l’économie. La redistribution des richesses, ce n’est pas de la charité, comme nous le prouve le modèle brésilien. Une politique sociale ambitieuse peut devenir un vecteur de développement économique. C’est le défi que nous nous devons de relever dans les prochaines années. Quitte à nous passer des bonnes...
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