L’opinion publique est obtuse, mais versatile. Elle a besoin de causes claires et de messages simples, avec des gentils et des méchants. Mais les rôles peuvent s’inverser…Souvenons-nous du Vietnam. Pendant dix ans, la sympathie du plus grand nombre se portait spontanément vers le pauvre peuple nord-vietnamien victime des bombes démocratiques de l’oncle Sam.
En perdant la guerre des opinions, les états-Unis finirent par perdre la guerre tout court. Mais en 1976, un an à peine après la chute de Saigon, les premiers migrants tentèrent de fuir la valeureuse République démocratique du Vietnam. Ils embarquèrent sur des rafiots surchargés, bravant les garde-côtes, les pirates et les tempêtes pour échapper à la répression communiste.
On appelait ces courageux réfugiés de la mer des boat people, premières stars humanitaires d’un monde émotif qui a toujours eu besoin de héros. En France, ils réussirent même à réconcilier Sartre et Aron, les deux philosophes éternellement rivaux, enfin réunis pour plaider leur cause sur le perron de l’élysée.
Comparaison n’est pas raison, mais ce précédent pourrait nous inciter à réfléchir sur l’image émise par le Maroc. Globalement, disons-le tout net, le Sahara ne passionne pas les médias du reste du monde. Et le peu d’intérêt qu’ils accordent à ce dossier se polarise très vite sur l’habile intox séparatiste. Le Polisario connaît ses classiques. Il sait que les opinions occidentales se rangent spontanément du côté du plus faible. éprouver de l’empathie pour une minorité agissante plutôt que pour une majorité silencieuse, c’est le karma des démocraties. On a envie de protéger le Tibétain contre le Chinois, le Kurde contre le Turc, et, tant qu’elle ne se fait pas exploser en burqa dans le métro, la Tchétchène contre le cosaque.
Avec Aminatou Haidar, les polisariens ont réussi un coup de maître en inventant une Ghandi des sables, victime de l’arbitraire. Ils veulent aujourd’hui rééditer le coup avec la grève de la faim des séparatistes détenus à Salé. Pour répliquer face aux manips des indépendantistes, le Maroc a longtemps matraqué avec ses gros sabots une propagande peu exportable. Le silence qui prévaut face aux nouveaux grévistes de la faim est, pour l’instant, une attitude plus adroite. Mais le véritable contre-feu face au Polisario sur le terrain des droits de l’Homme, c’est bien de montrer son véritable visage.
Jusqu’à présent, le story telling (l’art de raconter des histoires et de les vendre au plus grand nombre) que propage le Maroc à travers le monde est celui d’un pays qui emprisonne ses bloggeurs, qui expulse de braves religieux qui s’occupaient d’orphelins et qui provoque des grèves de la faim... Les opinions ignorent que d’autres violations des droits de l’Homme bien plus terribles se déroulent en ce moment même de l’autre côté de la frontière.
Les 91 Sahraouis qui se sont échappés du camp de Tindouf ces dernières semaines sont pourtant une opportunité réelle pour le Maroc de montrer que l’oppresseur n’est pas toujours celui que l’on croit. Les échappés de Tindouf ont risqué leur vie pour quitter le camp des séparatistes. Ils ont bravé les dangers du désert, les champs de mines et les patrouilles du Polisario pour rejoindre le Royaume. Ce sont d’authentiques héros, des desert people.
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