La méfiance du grand public à l’égard du monde de la finance n’est décidément pas près de se dissiper. La manière dont a été menée l’introduction en Bourse d’une entreprise aussi mondialement connue que Facebook ne fait qu’écorner davantage l’image et la réputation de ce monde fermé. Trois jours à peine après sa première cotation, l’action Facebook avait déjà perdu près de 19% de sa valeur, dans un marché pourtant en progression, et la valorisation du titre avait baissé de 19 milliards de dollars. Oui, 19 milliards de dollars partis en fumée en trois jours !
A l’origine d’un tel gâchis, une série de loupés qui feront rapidement le bonheur des grandes écoles en travaux pratiques. Un gâchis auquel n’est pas étrangère la banque conseil initiatrice de l’opération, Morgan Stanley. Tous les analystes en conviennent aujourd’hui, l’action Facebook a été exagérément surévaluée. Des analystes soudain lucides, mais un peu tard, qui se rendront à l’évidence en estimant le niveau raisonnable de l’action à … 9,59 dollars ! Soit le quart du prix de son introduction …
In fine, Morgan Stanley ne perd rien, bien au contraire, puisqu’elle est rémunérée sur la base de la capitalisation du titre. Plus la valorisation est élevée, plus importante est sa rémunération. Alors que des millions de petits porteurs ont été une fois de plus grugés dans un contexte de crise, Morgan Stanley, elle, aurait empoché 68 millions de dollars ! Voilà l’événement qui vient de secouer un marché mature et réglementé.
Mais qu’en est-il d’un marché embryonnaire comme celui de la Bourse de Casablanca ?
Surtout quand on sait que celle-ci est en plein marasme depuis plusieurs semaines : la capitalisation dégringole ; les indices sont dans le rouge ; les réformes, maintes fois promises, tardent à sortir ; Casablanca Finance City, la future place financière, se cherche encore. Pendant ce temps, la confiance des petits et grands porteurs semble s’évaporer chaque jour davantage et durablement. Cette perte de confiance des investisseurs ne fait que précipiter la chute des cours de tous les titres, indépendamment des réelles performances des entreprises.
Comment en est-on arrivé là , après deux décennies d’efforts déployés pour moderniser ce marché, le rendre plus attrayant et surtout plus transparent ? Les intervenants n’ont tout simplement pas joué pleinement le jeu. Les dernières introductions ont tourné au fiasco, des titres ont été survalorisés, des recommandations se sont révélées erronées, des profit warning ont été émis trop tardivement, la communication financière a souvent été défaillante.
A chaque fois, ce sont les petits porteurs qui y ont laissé des plumes. Pas étonnant donc que la Bourse de Casablanca soit progressivement désertée et que ses clignotants soient au rouge.
Avant d’être un casino, la Bourse est un outil de financement de la croissance. Or, aujourd’hui, et plus que jamais, les entreprises sont en mal de financement. Les banques ferment le robinet du crédit face à la montée du risque et à la rareté des liquidités. Et pour cause, des retraits massifs de cash ont été observés dès la suppression des bons de caisse anonymes et l’instauration du chèque barré non endossable. Dans ce contexte, la Bourse aurait pu s’imposer comme une alternative intéressante, notamment pour les PME. Mais rien n’y fait, la machine est bloquée, les nouvelles introductions se font rares, la transparence rebute encore la plupart des patrons, et les épargnants sont échaudés pour longtemps. Qui s’attaquera enfin sérieusement à ce dossier pour restaurer l’image de la place de Casablanca ?
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