Comparaison n’est pas raison, mais il y a quand même des images qui font mal. La photo prise ce jeudi sur le perron de l’Elysée à Paris contraste violemment avec celle du gouvernement Benkirane : une seule femme au sein de l’équipe ministérielle du Maroc contre 17 sur 34 titulaires en France.
La parité est absolue et François Hollande n’a manifestement pas eu de problèmes insurmontables pour trouver une équipe de femmes compétentes (même en l’absence de Martine Aubry...). Benkirane aurait-il eu plus de soucis à réunir une dream team féminine ? A actuel, nous avions malicieusement proposé à Benkirane un gouvernement de 14 femmes talentueuses et chevronnées à l’occasion du 8 mars. Et notre short list comprenait le double de noms (actuel N°131) !
On pouvait alors comprendre les excuses du chef du gouvernement qui n’était pas maître du choix des ministrables parmi ses alliés, et qui se soumettait au choix démocratique à l’intérieur de son propre parti. On attendait toutefois avec impatience les premières nominations de serviteurs de l’Etat... Hélas ! Sur les 40 walis et gouverneurs nommés il y a une semaine, il n’y a, à nouveau, qu’une seule femme. Et encore, Fouzia Imensar dont la réputation de probité et de professionnalisme n’est plus à faire, n’hérite que d’un poste de gouverneur ! Errare humanum est, perseverare diabolicum.
Pendant ce temps, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault confie un poste régalien, le ministère de la Justice, à Christiane Taubira, une femme noire réputée pour son indépendance d’esprit comme pour son franc-parler. Depuis Snoussi, y a-t-il eu un seul ministre noir au Maroc, ce pays de tolérance et de diversité ? Enfin, et c’est le symbole le plus fort de cette nouvelle équipe en France, c’est une jeune Franco-Marocaine de 34 ans, Najat Vallaud Belkacem, qui devient ministre des Droits de la femme et porte-parole du gouvernement. Comme la jeune Sihame Arbib dont nous publions le portrait, Najat Vallaud Belkacem fait partie de ses jeunes binationaux qui n’ont aucun complexe à assumer la double appartenance au pays dans lequel elles ont grandi et à leur pays de cœur. Ses enfants s’appellent Louis-Adel et Nour-Chloé et elle s’affirme à l’aise dans sa double culture. Elle prouve aussi qu’on peut être musulmane et militer pour l’homoparentalité !
Elle n’aurait assurément pas sa place dans un gouvernement Benkirane, mais alors qu’on remet en cause la binationalité des deux côtés de la Méditerranée, elle est l’incarnation d’une relation apaisée entre ses racines et son présent. On se prend ainsi à rêver d’un Maroc qui accorderait lui aussi la nationalité, sans que ce soit une faveur inaccessible, aux dizaines de milliers d’étrangers : Français, Algériens, Espagnols ou Sénégalais qui vivent chez nous depuis des années...
Najat Vallaud Belkacem est un symbole qui ne fait pas de ses origines un étendard. C’est un peu l’anti-Rachida Dati. « Elle aime réussir, sans arrogance, sans écraser personne », confiait récemment François Hollande à son propos. Et il dit aussi d’elle : « Qu’elle soit une femme, jeune et issue de l’immigration, ce sont des atouts à mes yeux, mais cela n’aurait pas suffi à la rendre légitime. » C’est bien pour cela qu’elle est un symbole fort. On peut ainsi être jeune, femme et marocaine et accéder aux plus hautes fonctions de la République française. On aimerait simplement que les jeunes femmes marocaines puissent accéder aux mêmes fonctions... au Maroc.
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