Abdelilah Benkirane a réuni, mardi soir, l’ensemble de son équipe gouvernementale. Pour faire passer deux messages. Un, il n’y aura pas de recul de son gouvernement sur les réformes à engager. Deux, il n’y a pas de turbulences au sein du gouvernement, réuni autour de son chef.
Bien… Et surtout, ne demandez pas pourquoi le projet de réforme des cahiers des charges de l’audiovisuel public, proposé par Mustapha El Khalfi, repasse aujourd’hui par la case amendement. Et encore moins pourquoi le chef du gouvernement a cru bon de convoquer tous ses ministres pour une réunion aussi informelle s’il n’y a, à l’en croire, aucune dissension au sein de sa dream team.
Que le roi ait, ou non, convoqué dimanche dernier Benkirane, Baha et El Khalfi pour s’entretenir avec eux de ces cahiers des charges, importe peu. Nulle confirmation n’ayant été émise par le palais ou la primature. En revanche, plus intéressante à l’analyse, car incontestable, apparaît la fragilité de la « bonne gouvernance » qui devait prévaloir au fonctionnement de la nouvelle coalition gouvernementale.
Ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi est parfaitement dans son rôle lorsqu’il propose de réformer l’audiovisuel public. Et nul ne pourra, de bonne foi, lui contester le droit d’exposer ses projets de réforme d’un champ audiovisuel qui a peut-être trop longtemps échappé au contrôle de ceux qui avaient la responsabilité de suivre sa gestion, tout en lui donnant les moyens nécessaires pour répondre à ses missions. Seulement voilà , l’audiovisuel public est tout sauf une administration comme les autres. Y toucher, de quelque manière que ce soit – sans que le Parlement ni même les autres composantes de la coalition gouvernementale n’y aient été associés –, c’est prendre le risque de braquer les professionnels qui œuvrent au quotidien, de provoquer une opinion publique attachée en majorité à l’indépendance des médias et de susciter un trouble manifeste au sein de la majorité.
La démarche de Khalfi n’y a pas échappé. Et les turbulences engendrées par les nouvelles dispositions contenues dans les cahiers des charges, rédigés à l’initiative du ministre de la Communication, révèlent la vraie dimension de ce dossier. Car il faudrait être bien naïf pour ne pas voir là un acte éminemment politique. De ce point de vue, les choses sont parfaitement claires. Le PJD a remporté la première place lors des dernières élections législatives. Son secrétaire général a été appelé à la fonction de chef du gouvernement. Mustapha El Khalfi est le ministre PJD de la Communication. Et la télévision publique est appelée à répondre aux nouvelles orientations voulues par le PJD. CQFD.
Ce faisant, en agissant en solitaire au sein de la coalition gouvernementale, et en fuyant le débat face à la représentation nationale, le PJD a cristallisé un dossier qui, par nature, s’expose à toutes les controverses. La sagesse aurait donc été, au terme de la concertation revendiquée auprès des acteurs du secteur, de soumettre les nouveaux cahiers des charges à l’épreuve de la coalition gouvernementale, puis de les faire examiner par la commission ad hoc au sein de la chambre des représentants. Cette sagesse-là aurait assurément évité la cacophonie gouvernementale, et les polémiques portées sur la place publique.
La bonne volonté apparente du ministre de la Communication ne saurait toutefois occulter la faiblesse congénitale de ce gouvernement. Les ministres PJD, à commencer par le premier d’entre eux, n’ont toujours pas endossé leur fonction. Hier dans l’opposition, ils n’ont toujours pas changé de logiciel. Et c’est toujours en militants de leur seule formation politique qu’ils se comportent. Dans un pays où l’opinion publique se confronte quotidiennement au conservatisme et à la modernité, où le développement économique et social ne saurait s’écarter de l’ouverture sur le monde, dans toute sa complexité, le gouvernement se doit de rassembler. Et de tenir tous les équilibres. C’est là un devoir qui dépasse toutes les idéologies.
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