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Rochdi Aoula Le Che de Tanger
actuel n°110, vendredi 30 septembre 2011
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Les dinosaures ont fait leur temps et la relÚve arrive. Chaque semaine, actuel présente les futurs leaders du pays...


***

Il a la tenue rĂ©glementaire du rĂ©volutionnaire : keffieh palestinien et casquette du gauchiste marocain. Dans les manifs, on le reconnaĂźt de loin car il est haut perchĂ© sur les Ă©paules d’un militant baraquĂ©, le mĂ©gaphone Ă  la main.

Petit gabarit mais voix de stentor et charisme indĂ©niable, ce 25 septembre, dans les ruelles de BĂ©ni Makada, Rochdi Aoula harangue ses troupes avec des slogans virulents Ă  l’encontre du Makhzen... mais sans jamais rĂ©clamer un renversement de rĂ©gime.

RencontrĂ© la veille dans un cafĂ© du centre, l’un des meneurs du 20-FĂ©vrier Ă  Tanger n’a pourtant rien, en apparence, du tĂ©nor de manif. D’une voix posĂ©e, douce et Ă  peine audible, ce leader nĂ© de 23 ans Ă©grĂšne son parcours d’étudiant studieux et de militant modĂšle.

Fils d’un ingĂ©nieur et d’une mĂšre au foyer (avec qui il parle politique), il potasse Ă  distance ses cours de Sciences Po de l’universitĂ© libre de Bruxelles. Enfin, quand il ne milite pas.

 

Un activiste de terrain

A peine majeur, il Ă©marge dĂ©jĂ  Ă  l’AMDH. En 2007, il rejoint le PADS dont il est toujours membre. Toujours Ă  gauche. Et toujours musulman... mais pas islamiste car l’islam ne doit pas rĂ©genter toute la vie : « Il y a d’autres choses que la religion. »

Des islamistes, il retient surtout leur forte prĂ©sence sur le terrain. Une stratĂ©gie qu’il a toujours lui-mĂȘme appliquĂ©e. Adolescent, il Ă©tait membre de  l’Association marocaine pour l’éducation de la jeunesse (AMEJ).

Le moniteur bĂ©nĂ©vole qui organisait des colonies de vacances et l’alphabĂ©tisation des enfants de rue est aujourd’hui prĂ©sident de l’Association de dĂ©veloppement des enfants et de la jeunesse Ă  Tanger et trĂ©sorier de l’antenne locale de l’AMEJ.

Toujours un pied dans le social. Et un autre dans la politique. Avec un tel CV, on imagine qu’il a plongĂ© Ă  pieds joints dans le 20-FĂ©vrier. Le militant a pourtant rejoint le mouvement Ă  petits pas. Ce n’est pas vraiment un activiste virtuel, Rochdi Aoula. « Je n’étais pas trĂšs actif sur facebook, je prĂ©fĂšre le terrain. »

Depuis le 20 fĂ©vrier, il est servi. Le terrain, il l’occupe dans le quartier populaire de BĂ©ni Makada. Des manifs peu couvertes par les mĂ©dias mais assez impressionnantes car elle attirent autant de monde qu’à Casa dans une ville qui compte dix fois moins d’habitants (voir page 37).

L’attention s’est pourtant portĂ©e sur la ville du dĂ©troit le 18 septembre dernier quand les manifestants ont entonnĂ© un slogan qu’on avait jusque-lĂ  entendu en Syrie ou en Tunisie : « Achaab yourid iskat annidam » (Le peuple veut la chute du rĂ©gime ). « On a Ă©tĂ© les premiers surpris et notre premiĂšre rĂ©action a Ă©tĂ© de rire », commente aujourd’hui Rochdi Aoula qui nie avoir prononcĂ© lui-mĂȘme le slogan. Un rire un peu jaune quand mĂȘme : « Le 20-FĂ©vrier a un axe clair.

Et la gauche radicale n’a jamais repris ces slogans. Ce sont vingt ou trente citoyens ordinaires qui les ont spontanĂ©ment lancĂ©s et ils ont Ă©tĂ© repris par les manifestants. » La semaine suivante, les mĂ©gaphones capteront l’audience et empĂȘcheront ces dĂ©bordements verbaux.

 

L’homme prudent...

Tout gauchiste qu’il soit, Rochdi Aoula est prudent. Et quand on lui demande son Maroc rĂȘvĂ© dans dix ans, il n’imagine pas une rĂ©publique, mais un roi « sans pouvoir ». Alors qui aura le pouvoir ?

« Le peuple », mais sĂ»rement pas lui : « Je n’aime pas le pouvoir. Je suis lĂ  pour dire ‘‘non’’. Je serai toujours un militant pour la libertĂ©, la dignitĂ© et la justice sociale. Si le Maroc respecte ces valeurs, je choisirai un autre pays, le SĂ©nĂ©gal, l’AlgĂ©rie ou la Palestine pour continuer la lutte. »

Il y a un petit cĂŽtĂ© internationaliste chez ce militant invĂ©tĂ©rĂ© qui veut exporter ses rĂ©volutions comme le Che. Guevara fait d’ailleurs partie de ses rĂ©fĂ©rences. Avec Gandhi et Nelson Mandela.

Mais le premier modĂšle qu’il cite, c’est « le messager Mohammed ». Le prophĂšte et le Che rĂ©unis dans le mĂȘme panthĂ©on personnel ? « On ne peut pas les comparer bien sĂ»r », reconnaĂźt Rochdi.

Mais quand, juchĂ© sur les Ă©paules d’un solide gaillard, il survolait la manif Ă  BĂ©ni Makada, le gauchiste croyant a, durant un moment, cessĂ© de clamer au mĂ©gaphone des slogans convenus du 20-FĂ©vrier pour scander « Allah akbar ». Et la foule n’a jamais Ă©tĂ© aussi ardente Ă  reprendre un mot d’ordre du Che de Tanger.

Eric Le Braz

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