Ingénieur de son état, Karim El Hajjaji maîtrise le langage des politiques auquel il ajoute une bonne dose de pragmatisme et de logique.
Karim El Hajjaji est un personnage modeste et convivial. Président actuel de l’association Capdema, cet ingénieur en mécanique, frais émoulu, ne fait pas ses 24 ans, physiquement. Mais ses idées sont, elles, empreintes de maturité.
Tempéré, nuancé mais aussi ferme, son propos se distingue du discours émotionnel et souvent emporté de ses congénères. S’il ne rentre au Maroc qu’à l’occasion des vacances scolaires, le jeune homme suit au quotidien l’actualité de son pays et, surtout, la commente et l’analyse en compagnie de ses camarades de Capdema et des invités prestigieux qu’ils reçoivent dans le cadre de rencontres initiées par l’association.
Attablé dans un café à Rabat, il s’ouvre volontiers à nos questions, avec tact. « Les valeurs auxquelles je crois sont la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit », lance-t-il d’emblée.
Vague et superficiel ? Pas du tout. « Je milite pour la démocratie dans son sens universel. Pas à la marocaine, comme on aime souvent à le répéter ici », martèle-t-il. Voilà un détail qui fait la différence.
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Paris, l’exutoire
Une fois ses études de classes prépas effectuées, Karim peinait à canaliser son énergie au Maroc. « Je crois que beaucoup de personnes sont passées par là . J’ai eu mon bac à Fès. On ne trouve pas de structures capables de recevoir les jeunes et surtout de les écouter .
Quand j’étais élève, je me souviens avoir pris part à un meeting de l’USFP. J’en suis sorti dégoûté », se souvient Karim, pour qui les partis politiques au Maroc pèchent par leur manque d’ouverture envers les jeunes. « Quand vous intégrez une structure politique, on ne prend jamais la peine de vous écouter. On vous dicte la manière selon laquelle vous devez vous comporter », se désole-t-il.
Il se démobilisera jusqu’à ce qu’il débarque en France. « Là -bas, c’était différent . Pour l’anecdote, j’ai été approché par des représentants de l’UMP et du PS, alors qu’au Maroc aucun parti ne vient vers vous ! » regrette Karim.
Ses propos sont souvent illustrés de métaphores, mais aussi – a fortiori – de comparaisons avec l’Hexagone. Du coup, ses constats deviennent sans appel : le Maroc accuse un retard dans plusieurs domaines, certes, mais il a surtout « raté une opportunité historique pour démocratiser véritablement le pays et instaurer une réelle monarchie parlementaire ».
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« On a raté l’occasion »
Ce point précis, il n’arrive pas à le « digérer ». « Cette nouvelle Constitution est meilleure, mais de toute façon, on ne pouvait pas commettre pire que l’ancien texte », dit-il en riant.
Pour résumer sa manière de voir la politique au Maroc, il prend l’exemple du TGV: « On n’a consulté personne avant de décider de ce projet ! Sous d’autres cieux, il y a tout un processus par lequel il faut obligatoirement passer. L’appel d’offres, entre autres… »
Et Karim d’enfoncer le clou : « Comment se fait-il qu’aucune étude sur l’intérêt du projet n’ait été faite, que la population n’ait pas été consultée, et encore moins les experts ? » Capdema a réalisé une étude concernant le TGV « chiffres à l’appui », et avec la participation de spécialistes.
L’association compte bientôt en lancer une nouvelle concernant un autre projet titanesque : le plan de l’énergie solaire. Là encore, pour Karim El Hajjaji, les décisions se prennent de manière unilatérale, et ça l’agace.
Quid alors des changements survenus depuis le 1er juillet jusqu’au vote de la déclaration de politique générale du gouvernement Benkirane, en passant par l’épisode des élections législatives du 25 novembre ? « Je crois que celui qui vous dit qu’il y comprend quelque chose vous ment », lâche-t-il.
Et de poursuivre : « La situation est compliquée. Il faut attendre avant d’y voir plus clair ». Comme d’autres, il admet que ces élections « ont été peut-être les plus démocratiques dans l’histoire du Maroc, et qu’il faudra du temps pour évaluer l’action de ce gouvernement conduit par le PJD ». On peut avoir des principes et rester pragmatique.
Ali Hassan Eddehbi |