Oussama Tilfani est un jeune révolutionnaire réformiste et posé ! Contradiction ? Non, plutôt une série de nuances qui caractérisent ce militant de l’USFP.
Paolo Freire, Karl Marx, Mohamed Abed Al-Jabri, Abdellah Laroui… Oussama Tilfani cite des intellectuels à tour de bras. Il n’entame jamais une réflexion sans se référer à un concept, une citation.
Ce qui lui donne un air de professeur alors qu’il n’est âgé que de 27 ans. Il n’est pas pédant mais plutôt didactique, posé et moins enclin à l’empressement de la nouvelle génération de militants politiques.
Cet ingénieur statisticien-économiste laisse les chiffres au boulot et, sans enlever sa cravate de cadre dans une grande entreprise étatique, endosse son costume de militant de l’USFP. Né à Safi, il s’initie à la politique surtout grâce à son grand-père, ancien résistant de l’Union nationale des forces populaires (UNFP), devenue quelques années plus tard l’Union socialiste des forces populaires (USFP), qui engage le débat chaque vendredi autour du couscous. Il baigne par la suite dans cette ambiance grâce à son père, syndicaliste, son oncle militant à l’Istiqlal, etc.
Son intérêt pour la politique relève d’abord de la curiosité scientifique. Oussama va beaucoup lire et se forge sa propre conviction, résolument gauchiste. Il rejoint l’USFP en 2005. Il commence par présider l’association des étudiants de son école, l’INSEA, avant de rejoindre la section étudiante de l’USFP, puis le secteur des ingénieurs, et participe à la commission économique, politique et sociale du 8e congrès du parti.
« Mes prédécesseurs à la tête de l’association de l’INSEA n’étaient autres que Aziz Rebbah, actuel ministre de l’Equipement et du Transport, et Anis Birou, ancien secrétaire d’Etat à l’Artisanat », plaisante-t-il. Une carrière politique dont ne rêve pas ce jeune, plus versé dans l’analyse et la réflexion intellectuelle.
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Contre le rajeunissement
Il espère que son parti se débarrasse des notables, aujourd’hui bien établis dans les structures. Il espère aussi que la gauche se réveille. Pour cela, il sait que le chemin est long et compliqué, en raison du « narcissisme » des différentes forces de gauche qui passent leur temps à se fustiger.
En attendant, Oussama sort manifester dans les rangs du 20-Février, à défaut de voir son parti servir de relais. « Les leaders politiques tirent leur légitimité de la proximité avec le pouvoir. Ils ne perçoivent pas la responsabilité politique comme un devoir, mais comme un privilège », explique-t-il.
Oussama Tilfani porte un regard sévère sur les partis qui veulent « réformer dans la continuité », alors que le pari de la démocratie passe par la rupture pour réformer tout en préservant la stabilité du pays. Il considère aussi que les partis ne sont pas indépendants dans leurs prises de décision et tendent l’oreille au pouvoir.
« Dans le passé, le Makhzen a mené la harka, c’est-à -dire l’apprivoisement des tribus insoumises. Aujourd’hui, c’est la même chose qui arrive aux partis », compare-t-il. Cette sévérité, il l’a aussi envers les jeunes, et même la génération du Printemps arabe née dans un contexte mondialisé et qui « s’intéresse à la politique mais pas à la patrie ». « On en est arrivé à considérer le nationalisme comme étant makhzenien, or il faut renouer avec la fierté d’être marocain », pense-t-il.
C’est dans cette optique qu’il est contre le système des quotas pour les jeunes. « Il y a une différence entre le renouvellement et le rajeunissement pur qui ne fera que créer une nouvelle notabilité. Il existe une génération marginalisée qui n’a pas eu sa chance. »
Pour légitimer le combat politique, Oussama Tilfani pense qu’il faut créer un relais avec les anciennes générations, afin que l’appartenance à la nation ait de nouveau un sens. Avec tout cela, l’ambition d’Oussama Tilfani est de devenir un jour un intellectuel : « Apprendre et produire sur le plan scientifique. » Et on en a sacrément besoin.
Zakaria Choukrallah |