Acteur associatif, militant de gauche, cadre ministériel… Rabii El Ouafoudi a plusieurs cordes à son arc.
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Son nom ne vous dit rien ? Pas étonnant, car Rabii El Ouafoudi préfère poursuivre son petit bonhomme de chemin discrètement, sans faire de vagues. Né il y a 35 ans à Béni Mellal, « loin des embouteillages et des bousculades », ce membre du comité central du PPS est actuellement chargé de mission au ministère des Affaires économiques et générales et planche, en compagnie d’autres têtes bien faites, sur l’un des dossiers les plus importants de ce département : l’amélioration du climat des affaires au Maroc. Un job qui lui prend du temps et de l’énergie sans pour autant l’empêcher de s’intéresser à l’associatif, son domaine de prédilection.
Après le baccalauréat, ce fils d’enseignant quitte sa ville natale pour se rendre à Paris où il prépare un diplôme d’ingénierie en mathématiques-informatique. Il opère ensuite un virage dans son parcours en optant pour un master en économie, puis un doctorat qu’il poursuit encore.
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Maghreb United
Durant sa période estudiantine dans l’Hexagone, « au lendemain de la chute du mur de Berlin… et de l’amorce du processus d’alternance au Royaume », il se découvre une fibre pour la chose publique.
Il rencontre d’autres jeunes « épris du Maghreb », étudiants ou issus de la diaspora, et ils s’unissent autour d’un projet qui donnera l’Union des jeunes Euromaghrébins. Une structure créée il y a dix ans, qui est à cheval entre le think thank et le militantisme associatif.
« Nous organisons des conférences dans les différents pays du Maghreb, avec des participants en provenance des cinq pays, ensuite nous essayons d’aboutir à des recommandations adressées, entre autres, aux chefs d’Etats membres », explique Rabii insistant sur le fait que cette activité n’obéit à aucun calcul politique.
« Nous ne disons jamais à quelqu’un qu’il a tort car la désunion est le grand tort. » Pour lui, depuis 1994 déjà , il était temps d’en finir avec l’approche inefficiente de l’UMA. « L’institutionnalisation ne sert à rien tant qu’on ne s’attaque pas au fond du problème qui est d’abord la question du Sahara... autrement les structures maghrébines existantes resteront des coquilles vides », dit-il.
Et c’est dans cette optique qu’il croit que le meilleur moyen d’accélérer l’édification maghrébine est de « donner davantage d’importance à l’implication sociétale… il faut d’abord que le Maghreb soit pacifié mentalement ».
Autrement dit, favoriser le rapprochement entre les jeunes Maghrébins pour que ceux-ci puissent faire entendre leur voix dans leur pays ou leur parti. « Les négociations avec l’UE, par exemple, doivent se faire avec le Maghreb uni et pas par pays », espère-t-il. Sauf qu’on en est encore trop loin !
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Social-démocrate dans l’âme
C’est Ismail Alaoui, ancien secrétaire général du PPS, rencontré en France en 2005, qui repère l’oiseau rare et le ramène au bercail. Deux ans plus tard, quand il rentre au pays, après un parcours professionnel de sept ans dans l’Hexagone, il rejoint le cabinet de Nouzha Skalli pour une première expérience avant d’atterrir dans le département des Affaires économiques, aujourd’hui conduit par le pjdiste Najib Boulif.
A ce propos, un néo-coco et un barbu peuvent-ils faire bon ménage ? A en croire Rabii, c’est oui. Lors du vote houleux sur la participation au gouvernement de Abdelilah Benkirane, Rabii nous confie – non sans fierté – avoir voté en faveur de l’Alliance avec Benkirane.
Et ce n’est pas par manque de foi dans les valeurs de son parti : « Je ne pourrais pas être de droite. Ma tête est fabriquée social-démocrate… Si jamais je quitte le PPS, je ne rejoindrai aucun autre parti », promet-il. Il a soutenu cette entrée au gouvernement « pour la simple et unique raison que l’alliance gouvernementale est une coalition de programme et non pas d’idéologie… et puis, il faut bien quelqu’un pour le faire ! »
Car actuellement, poursuit ce technocrate, « le Maroc ne peut pas se payer le luxe d’une guerre idéologique », ajoutant que « sur le plan organisationnel, le paysage politique national n’est pas encore prêt pour une guerre des pôles. Déjà , la droite ou le centre n’existent pas au Maroc et, durant notre histoire politique, les forces d’opposition ont été les partis de gauche… avec l’Istiqlal ».
Pragmatique, il va droit au but et assure que la question essentielle est de savoir si la participation au gouvernement peut apporter quelque chose de concret au pays. Une question à laquelle il est encore prématuré de répondre, mais Rabii se dit optimiste. Pourquoi ? « C’est avant tout un trait de caractère », rétorque-t-il, sourire aux lèvres.
Ali Hassan Eddehbi |