Les divergences idéologiques ont affaibli le M20, mais les idées brillantes de militants comme Hosni Al Mokhliss l’enrichissent.
Si le mouvement du 20-Février fait face à une crise d’effectif, cela ne veut pas dire qu’il est en manque d’inspiration. Hosni Al Mokhliss est l’un des jeunes vingtfévrieristes porteurs non seulement de banderoles mais aussi d’idées novatrices, voire même salvatrices.
A 33 ans, il a derrière lui un riche parcours, ponctué d’épreuves, parfois difficiles, qui ont impacté sa perception du monde. Son credo à lui, c’est l’associatif. Ou plutôt, le pédagogique. A 18 ans, baccalauréat en poche, il quitte son quartier natal de Ben Msik à Casablanca pour Larache où il suivra une formation d’instituteur.
S’ensuit une affectation dans un coin reculé près de Moulay Abdeslam, dans le nord oublié du Royaume. « J’y ai passé cinq ans. J’en garde des flashs qui m’ont beaucoup marqué. J’avais des élèves brillants qui quittaient l’école du jour au lendemain.
Cela m’a profondément touché », se souvient-il. Ce « séjour à la montagne », il le partagera entre lecture et agriculture. « J’aidais un ami, que j’ai rencontré là -bas, à cultiver son champ. C’était le seul loisir à côté de la lecture. » Ensuite, il quittera l’école rurale pour Barcelone où il enseignera aux enfants des Marocains résidant en Espagne.
« J’y ai également travaillé avec une association dans l’accompagnement des mineurs clandestins », dit-il. La crise économique le poussera à abandonner cette activité qu’il « aime », et à rentrer au bercail.
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Un déclic nommé 20-Février
C’était en 2010, peu avant le déclenchement du Printemps arabe et du 20-Février. « Avant, j’étais actif essentiellement dans le volet pédagogique, bien que faisant partie de la section de Larache de l’AMDH », précise-t-il.
« Je ne dis pas que je suis l’un des fondateurs du mouvement. J’ai assisté à la première assemblée générale le 18 février 2011, dont j’avais pris connaissance sur la page Facebook du mouvement. » Depuis, il ne quittera plus le M20 où il se charge de la commission médiatique. C’est pourquoi il est de plus en plus en vue et sollicité par la presse.
Mais il n’est pas un simple porte-parole cherchant à faire la une des journaux. « Je reconnais que le mouvement a des problèmes. Je déplore ce qui s’est passé dimanche dernier (1er janvier, ndlr). Les slogans anti-régime brandis par certains manifestants font fuir les gens », regrette-t-il.
Selon lui, le mouvement doit revoir son mode de fonctionnement pour continuer d’exister. « Le départ d’Al Adl a affecté le mouvement... Personnellement, j’ai travaillé avec eux, on avait de bonnes relations humaines, mais ce n’était pas eux qui décidaient.
Impossible de travailler avec des gens qui attendent les directives d’en haut », commente Hosni. A présent, il faut trouver un moyen de dynamiser le mouvement. Et cette dynamique, passe, selon lui, par un bon dosage entre la protestation et le politique.
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« On doit aller chercher le chocolat »
« Au Maroc, les gens n’ont pas atteint un degré de grogne qui les pousserait à sortir massivement avec le mouvement, chaque dimanche. » Il faut tenir compte de cet élément, explique notre militant qui insiste sur la distinction entre le volet protestataire et l’aspect politique.
Il suggère même l’exploration de nouvelles formes de protestation. « Regardez l’exemple de Greenpeace, cinq personnes manifestent d’une manière très créative et cela fait le tour du monde ! Nous devrions peut-être nous inspirer de ce modèle. »
L’idée est convaincante, mais elle doit être débattue et peaufinée. « Nous ne sommes pas en Egypte. Le mouvement ne rassemble pas des milliers de gens en colère dans les rues et les militants doivent faire avec cette réalité. A l’action politique de prendre le relais. Le politique et non pas la politique.
C’est-à -dire être proche et à l’écoute des gens, et non pas le fait de porter la cravate », ajoute-t-il. Pour ce faire, il faut un discours politique qui fixe une plateforme revendicative. En clair, le mouvement doit s’adapter à la réalité marocaine et réfléchir en tant que force d’opposition et de pression.
« Au départ, nous avons fonctionné avec les émotions, en voyant ce qui se passait ailleurs dans le monde arabe. Aujourd’hui, c’est la raison qui doit l’emporter », estime-t-il. Puis il illustre son propos : « Nous étions comme un enfant qui pleure pour avoir du chocolat. A présent, nous devons chercher où se trouve le chocolat et essayer de l’obtenir. » Son chocolat n’est autre que la dignité, la liberté et la justice sociale.
Ali Hassan Eddehbi |