Entrepreneur à succès et politicien patient, à 33 ans, Anouar Zine est un jeune loup du parti du cheval doté d’une sagesse d’éléphant.
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C’est un vrai, un pur, un libéral qui n’a pas honte de l’être. Il a beau dire que son modèle, c’est l’UMP, il use d’une rhétorique à l’américaine. Son discours de droite décomplexé n’est pas très à la mode et il ne milite pas dans le parti le plus trendy, mais ce jeune loup de l’Union constitutionnelle a de la suite dans les idées et des idées sur tout pour introduire une dose de libéralisme dans la santé, l’éducation ou le logement.
Le libéralisme, ça s’apprend tout petit. Avec un père commercial chez Procter, le jeune Anouar Zine a l’ADN du capitalisme dans le sang et un discours assorti : « Le libéralisme, c’est la même chance pour tout le monde au début. Mais après, la compétition est ouverte. Parmi mes amis d’enfance, certains sont en prison, certains sont pauvres, d’autres sont cadres ou entrepreneurs. »
Son enfance, il l’a passée à Mers Sultan, « au-dessus du bar Fifty-Fifty, où on mange la meilleure pâte à pizza au monde ». Il étudie le français en lisant Le Matin, L’Opinion ou Maroc Soir qu’il va chercher pour son père, et en apprenant par cœur les répliques des films qui passent au cinéma Lynx où il rentrait gratuitement grâce à une voisine caissière.
Ce n’est pas la misère. Mais on ne roule pas non plus sur l’or chez les Zine. « On était six, il y avait du pain chaud mais on ne le mangeait jamais car il fallait finir le pain froid de la veille. »
Ça rend ambitieux. Anouar fait du droit comme son frère, multiplie les petits boulots, travaille gratuitement comme journaliste chez Kifach pour apprendre le métier, se forme au management, au marketing, à la com’ et aux sciences politiques à Strasbourg.
Journaliste à L’Economiste, il vole rapidement de ses propres ailes, créant sa petite entreprise en 2001, à tout juste 23 ans. Dix ans plus tard, il est à la tête de Sawab Invest, un groupe de communication de huit sociétés, de l’agence conseil au cabinet de design, qui emploie une soixantaine de salariés. Voilà ce qui occupe 80% de son temps.
Les 20% restants, il les consacre à la politique. Il adhère à l’UC en 2006. L’année suivante, il est tête de liste à Hay Hassani. Il aime « sincèrement » ce parti qui correspond à ses idées et qui laisse les jeunes aller au charbon. Entre les fondateurs contemporains de Maâti Bouabid et les nouveaux adhérents, il y a un fossé générationnel où peuvent s’engouffrer les ambitieux... qui ont la foi.
Après quatorze ans d’opposition, il faut l’avoir : « On peut avoir l’impression que ce parti ne mène à rien. Quand on est carriériste et qu’on veut un poste à l’ONE, ce n’est pas le bon parti. Il ne reste que ceux qui y croient. » Prêt pour cinq nouvelles années d’opposition ? « Cinq ans, ce n’est pas sûr, il ne faut pas insulter l’avenir. On est en embuscade. »
Traduisez : quand les lois organiques auront été votées, la caution de gauche n’aura plus lieu d’être... « On attend le moment où ça va craquer entre le PPS et le PJD. Ce n’est pas un projet mais une probabilité. » Quand on vous dit qu’il ne pratique pas la langue de bois.
Volubile et convivial, Anouar Zine détonne dans une classe politique vermoulue. Et il a réponse à tout. L’UC, parti de l’administration ? « Pas tant que ça : nos députés sont sortis de la salle pour l’élection de Ghellab au perchoir. » La fusion avec le RNI ?
« C’est un débat médiatique. Mais on n’en parle pas à l’intérieur du parti. Une fusion en politique, ça n’a pas de sens. Un parti a vocation à gagner ou à disparaître. » Le libéralisme, toujours... Et le RNI, justement, ça ne l’a jamais tenté ?
« C’est un parti appréciable. Mais on y voit des gens arriver le jeudi pour être nommés le vendredi. Chez nous, t’es pas militant, tu passes pas. » Et vlan. Quant à la position ambiguë de l’UC, ni dans la majorité ni dans l’opposition, il en fait son affaire. « Nous apporterons un soutien critique à celui qui a été choisi pour son programme jusqu’à la limite de ce qui est tolérable sur le plan idéologique ; je pense aux libertés individuelles. »
Si Anouar Zine ne s’est pas présenté aux législatives de 2011, il n’a pas chômé en gérant la com’ du parti du cheval. Il impose son slogan « Le Maroc pour tous » et supervise la production de 60 millions de flyers. Son prochain objectif, c’est le congrès de l’UC et l’entrée au bureau politique. Anouar Zine avance step by step. « Dans la politique, une carrière se construit au moins en dix ans. J’ai démarré en 2006. J’espère être prêt en 2016... pour 2017. » L’entrepreneur pressé sait être sage en politique. Une vraie garantie de longévité.
Eric Le Braz |