L’USFP passe à l’opposition. Les bases adoptent enfin un nouveau discours. Un discours de gauche !
Journaliste, chargé de communication, vingtfévrieriste et militant de l’USFP, Montassir Sakhi sait concilier ses multiples activités. A 23 ans, il compte parmi les figures les plus actives de la section Rabat-Salé du M20. Et surtout, il est l’un des principaux « agitateurs » au sein de la jeunesse de l’USFP, qu’il a rejointe en 2005, et dont il chapeaute aujourd’hui la section de Salé-Lamrissa.
Le plus frappant chez lui est qu’il reflète l’image de quelques socialistes – jeunes et moins jeunes – encore fidèles à la mémoire du parti de Mehdi Ben Barka et à ses idéaux, désormais malmenés par Abdelwahed Radi, l’indétrônable zaïm.
« Vingtfévrieriser » les institutions
Entre sa casquette de boycotteur au M20, et celle de jeune politicien, Montassir ne voit aucune contradiction. « D’ailleurs, tous les jeunes du mouvement n’ont pas boycotté les élections. Les usfpéistes du mouvement, la CDT, le parti socialiste ou encore le groupe Baraka (Stop) du PJD ont tous été en faveur de la participation, soutient-il, ajoutant, nous avons cependant tous boycotté les fraudeurs et les corrompus en refusant de voter pour eux. »
C’est qu’à ses yeux, les actions dans la rue et au sein des institutions ne sont pas contradictoires, elles sont même complémentaires. « Je crois à la nécessité de vingtfévrieriser les institutions et les partis politiques démocratiques, lance Montassir. Autrement dit, créer des mouvements qui poussent au changement, et rompre avec le Makhzen en restant actif au sein des institutions. »
Le plus important est de susciter l’éveil de conscience chez les militants des partis pour les pousser à agir avec plus de courage et de conviction. Et c’est exactement ce qu’ont fait Montassir et ses acolytes au sein de la Chabiba ittihadia. Comme beaucoup de jeunes de son parti, il espérait un mauvais résultat qui puisse secouer la direction du parti, et les conforter dans leur combat pour un retour à l’opposition et la reconstruction du parti.
Finalement, ils obtiendront gain de cause après le 25 novembre. « Je pense qu’aucune autre issue n’était possible. A l’intérieur du parti, nous sommes arrivés à une phase décisive. La structure était menacée d’effondrement si le bureau exécutif avait choisi une alliance avec le PJD », explique-t-il.
En effet, les bases du parti réclament depuis 2002 le retour dans les rangs de l’opposition. « L’avènement du Printemps arabe a accéléré les choses », se félicite Montassir, après un long bras de fer, mené principalement par des jeunes usfpéistes actifs au M20 et encouragés par des membres du bureau politique, notamment Ali Bouabid.
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Les caciques doivent dégager
A coups de communiqués acerbes et de sit-in devant les sièges du parti à travers le Maroc, ils ont obtenu gain de cause, à savoir le retrait immédiat du gouvernement. A présent, le nouveau combat de Montassir est de destituer l’actuel bureau politique, puis d’organiser un neuvième congrès national démocratique et ouvert sur les autres dynamiques de gauche pour construire une gauche socialiste démocrate unifiée. « Je suis étonné de voir des membres du bureau politique qui s’étaient accrochés au gouvernement se présenter aujourd’hui comme des défenseurs du choix de l’opposition ! », assène-t-il.
Reconstruire la gauche
Quoi qu’il en soit, les usfpéistes ont une mémoire. Mais en bon ittihadi, Montassir se garde bien de parler du déclin du parti, préférant plutôt parler d’une « chute de toute l’action politique au Maroc, nourrie par la crise de la gauche et les solutions technocrates du Makhzen qui recourt encore à des options autoritaires et archaïques ».
Pour illustrer son propos, il cite le cas du PAM inséré par le Makhzen dans la politique. Il reconnaît, toutefois, que le mauvais état du parti est principalement le fait de l’actuelle direction qui, en continuant à exercer dans un gouvernement impopulaire, accablé par des directives « d’en haut », a fait perdre au parti ses sympathisants, et a raté la reconstruction tant espérée de la gauche marocaine.
La solution, il ne l’a pas encore. Mais il espère que le parti pourra capitaliser sur ce premier acquis important qu’est la non-participation au gouvernement. Il faudra aussi, selon lui, replacer la reconstruction de l’USFP au sein de celle de toute la gauche marocaine. La première étape sera donc la tenue du congrès national dans les plus proches délais, en s’ouvrant sur tous les courants. Y compris les usfpéistes du 20-Février bien sûr. L’objectif est presque avoué : déboulonner Radi et ses acolytes.
Ali Hassan Eddehbi |